AEUMC : deux sénateurs appuient les demandes des producteurs
Dans cette lettre ouverte transmise aux médias la semaine dernière, les sénateurs JulieMiville Dechêne et André Pratte s’interrogent sur l’impact qu’aura l’Accord États-Unis–Mexique– Canada (AEUMC) sur les producteurs de lait.
Ottawa doit travailler avec les producteurs laitiers afin qu’ils reçoivent une compensation suffisante, juste et raisonnable.
« Moi, je ne veux pas de compensation. Je veux pouvoir continuer à travailler et à développer mon entreprise! » Cette réaction à la conclusion de l’AEUMC, nous l’avons entendue de la bouche d’une douzaine de producteurs laitiers que nous avons rencontrés la semaine dernière, à l’occasion de notre visite de fermes de la Montérégie.
Ces agriculteurs sont très inquiets de l’impact qu’aura sur eux la nouvelle entente et furieux d’être à nouveau les « agneaux sacrifiés » de négociations commerciales. Cependant, ils sont tout aussi ambitieux, travaillants et déterminés. Leur ferme demeure à échelle humaine – une soixantaine de vaches en moyenne.
Loin d’être des « gras dur » du système de gestion de l’offre, les producteurs rencontrés rivalisent d’audace pour moderniser leurs installations, robotiser la traite et améliorer la productivité de leurs vaches. Et ils n’ont pas attendu les subventions pour ce faire. Le Programme d’investissement pour fermes laitières, lancé par le gouvernement fédéral en guise de compensation pour l’ouverture du marché laitier consentie aux Européens, est en bonne partie tombé à plat. […]
Trois volets du nouvel accord vont toucher les producteurs laitiers du pays, dont la moitié – plus de 5 300 fermes – se trouve au Québec. D’abord, l’ouverture progressive de 3,6 % du marché aux importations américaines qui fera mal, il n’y a pas de doute. Mais ce n’est pas ce qui tracasse le plus les producteurs. L’abolition de la classe 7, l’entente entre les producteurs et les transformateurs qui a permis aux premiers de reprendre le marché que leur avaient « volé » les producteurs de lait diafiltré américains, suscite l’indignation. « On nous avait demandé de nous prendre en main. C’est ce que nous avons fait en nous entendant avec les transformateurs; et là, on nous coupe les jambes! »
L’élimination de la classe 7 signifiet-elle que le lait diafiltré américain sera en mesure de reprendre le marché? L’entente signée avec les transformateurs est-elle caduque? Le gouvernement répond par la négative à ces deux questions, mais les producteurs ne sont pas rassurés. Un jeune agriculteur de 30 ans, qui a racheté la ferme familiale, se demande si ça vaut la peine de persévérer.
Les producteurs ne comprennent pas non plus pourquoi Ottawa a consenti à limiter (à 55 000 tonnes la première année et à 35 000 tonnes la seconde année) les exportations de poudre de lait écrémé et de concentré de protéines de lait, non seulement vers les États-Unis, mais vers tout autre pays. Si, d’une part, le gouvernement fédéral souhaite que les producteurs soient plus compétitifs et développent de nouveaux marchés, pourquoi, d’autre part, leur bloque-t-il l’accès aux marchés étrangers? […]
Quelle forme devrait prendre la « compensation nécessaire » que s’est engagé à verser le premier ministre Trudeau? Chose certaine, le programme devra être mieux adapté à la réalité des agriculteurs que celui qui a été mis en place après la signature de l’Accord économique et commercial global. […]
Dans ce contexte, nous pressons le gouvernement de commencer dès aujourd’hui à travailler avec les producteurs laitiers pour mettre au point des mesures de compensation suffisantes, justes et raisonnables. Ces mesures devront s’adresser à tous les producteurs et permettre à cette industrie de continuer à se développer, au bénéfice de centaines de communautés rurales et de l’économie du pays. « Pour faire vivre un peuple, il faut le faire travailler », lance avec conviction une jeune agricultrice, qui veut pouvoir croire en l’avenir de sa ferme.