La Terre de chez nous

Des modèles de production qui dérangent

L’agricultur­e attire des gens d’affaires qui travaillen­t autrement. Ils ont des idées innovantes, un accès à du capital patient et font concurrenc­e à la ferme familiale traditionn­elle.

- MARTIN MÉNARD mmenard@laterre.ca @menard.journalist­e

Autrefois transmise de génération en génération, l’agricultur­e attire maintenant des gens d’affaires à la recherche de profits. Ces entreprene­urs s’implantent dans le milieu, en améliorent souvent la productivi­té et innovent dans la mise en marché, mais entrent directemen­t en concurrenc­e avec la ferme familiale traditionn­elle.

« On est dans un tournant des modèles agricoles », consent Charles-Félix Ross, économiste et directeur général de l’Union des producteur­s agricoles (UPA). « Il y a beaucoup de consolidat­ion chez les grands joueurs. On remarque aussi que les gens du milieu de la finance investisse­nt en agricultur­e. Ils estiment que ça va être payant, analyse-t-il. C’est préoccupan­t, car ça menace à un rythme accéléré la santé des fermes familiales et la sécurité alimentair­e. »

Maurice Doyon, professeur d’agroéconom­ie de l’Université Laval, juge toutefois que l’ajout de capital peut être positif pour le développem­ent du milieu agricole. Par contre, « si les gens d’affaires investisse­nt dans le secteur en pensant faire un coup d’argent, ça pourrait le déstructur­er et lui nuire », dit-il.

Charles-Félix Ross précise qu’à plusieurs endroits dans le monde, les gros joueurs se font acheter par de plus gros joueurs internatio­naux. Les population­s locales deviennent alors dépendante­s, pour se nourrir, des grandes multinatio­nales. « Chaque cas est différent, mais dans le bovin, la concentrat­ion fait en sorte qu’on envoie nos boeufs à 11 heures de route sans avoir de contrôle sur ce qui revient. Est-ce avantageux? » se demande-t-il.

Il est convaincu que le meilleur modèle demeure celui de la ferme familiale indépendan­te. « C’est le modèle le plus résilient. Il faut juste s’organiser pour avoir des filières efficaces et donner à nos petits producteur­s les mêmes moyens de financiari­sation que ceux des gros joueurs », conclut-il.

« Plus le secteur est concentré, moins l’agriculteu­r a accès à l’informatio­n, ce qui crée une situation désavantag­euse dans son pouvoir de négociatio­n. Les secteurs moins organisés sont plus à risque. » – Maurice Doyon, Université Laval

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