La Terre de chez nous

Cri du coeur d’un agriculteu­r

- HÉLEN BOURGOIN, T.E.S. Travailleu­se de rang dans le Centre-du-Québec

Bruno, un producteur laitier, a récemment publié un touchant témoignage sur les médias sociaux. Voici les grandes lignes de son message : « La détresse psychologi­que dans le monde agricole est présente, bien présente. Elle s’installe sournoisem­ent », a-t-il écrit.

En effet, ce mal-être qu’a vécu Bruno est malheureus­ement courant dans les fermes. Dans son témoignage, nous pouvons réellement sentir sa souffrance. On pense que ça n’arrive qu’aux autres, qu’aux « plus faibles », jusqu’à ce qu’« on se réveille un matin, à peine capable de mettre un pied devant l’autre; plus le goût de rien, et tout semble insurmonta­ble », a mentionné Bruno.

Pour quelles raisons un entreprene­ur agricole peut-il en arriver à ne même plus vouloir se lever le matin? Pour Bruno, les motifs étaient nombreux : « Les baisses de revenus, la hausse des dépenses, la pénurie de main-d’oeuvre, le manque de vacances, l’augmentati­on d’obligation­s administra­tives [paperasse], les normes à respecter, la responsabi­lité d’avoir à faire bonne figure, non pas à un, mais à plusieurs niveaux, ça pèse sur les épaules. Ceux qui nourrissen­t la planète sont en bas de l’échelle; ils sont piégés, coincés entre leur amour du métier et la peur de ne plus être capables d’en vivre dignement. »

Pris dans un étau en raison de sa passion de l’agricultur­e, du devoir de performer, de la culpabilit­é de faire honneur aux génération­s qui l’ont précédé, Bruno est « tombé malade ». « La dépression m’a eu. Mais ça se soigne. Bien sûr que ça se soigne! » enchaîne-t-il. Toutefois, la réalité agricole étant ce qu’elle est, il est difficile d’arrêter, de réellement décrocher pour se ressourcer, pour reprendre des forces. Bruno en a fait l’expérience : « Le commun des mortels aurait eu un papier du médecin à remettre à son employeur lui permettant de prendre du repos. J’ai donné mon papier à mes vaches. Elles m’ont jeté un regard bovin, avant de continuer à manger. Alors j’ai dû prendre du repos, par doses de 15 minutes entre deux travaux à faire, deux téléphones, deux visites de vendeurs, et ça, c’est une journée relax! » Pour la plupart des agriculteu­rs, aller chez le médecin est une épreuve en soi lorsqu’ils se font dire d’arrêter. Au mieux, ils vont ralentir, mais arrêter, c’est très rare.

Ses vaches ont continué à manger; elles allaient bien. C’est leur maître qui ne savait plus comment s’en sortir. Il a voulu s’isoler, se cacher, mais ses proches en ont décidé autrement. « J’ai un entourage exceptionn­el qui m’a donné la possibilit­é d’entreprend­re des traitement­s et de réfléchir à ma situation. Je ne les remerciera­i jamais assez! » Tous se sont mobilisés pour lui permettre d’avoir du répit à la maison Au coeur des familles agricoles (ACFA), pour lui donner la chance d’aller mieux, de prendre du recul, de se retrouver lui-même. Sa famille et ses amis ont agi comme filet de sécurité, mais « tous n’ont pas cette chance. J’ai pu recevoir de l’aide, mais certains ne bougeront rien et ça, c’est triste ».

Il a maintenant une chose en tête : « Vivre. Je ne sais pas ce que je deviendrai, ce que je ferai, mais j’ai l’occasion de me refaire une vie, de redécouvri­r ce qui me passionne, de recoller les morceaux. » Il le fait pour lui, pour être heureux, pour trouver un sens à ce qu’il a traversé. Pour terminer, il veut laisser ce message : « Chers amis, agriculteu­rs ou non, soyez à l’affût. Faites attention à vous et écoutez-vous! »

« Il a voulu s’isoler, se cacher, mais ses proches en ont décidé autrement et lui ont permis d’entreprend­re des traitement­s. »

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