La Terre de chez nous

40 ans d’un rude combat

- MYRIAM LAPLANTE EL HAÏLI mlaplante@ laterre.ca

Dans Charlevoix, Jean-Robert Audet, 64 ans, se bat une fois de plus contre la baisse radicale du prix du veau. « Je pense que c’est la huitième ou la neuvième faillite que je suis en train de combattre », dit-il. Dans le milieu agricole, peu de producteur­s se livrent au sujet de leurs difficulté­s financière­s, mais cet entreprene­ur a accepté de le faire.

Le cheptel de Jean-Robert Audet est passé de 500 veaux l’hiver dernier à 125 à cause de la chute des prix. Après de nombreux revers de fortune, la logique voudrait qu’il laisse tout tomber. « Mais comme on a la ferme depuis 39 ans avec la maison, c’est difficile de tout abandonner », indique le producteur, qui est convaincu que ce sont les frais d’abattage de ses veaux qui lui causent tant de problèmes depuis toutes ces années. « Si j’avais pu avoir un abattoir dans la région, c’est certain que je ne me serais pas endetté comme je l’ai fait puisque je n’aurais pas payé plus que le prix d’abattage d’un veau », assure M. Audet.

Il a même pris l’initiative de construire son propre abattoir en 1996, mais il s’est cassé les dents. « On avait travaillé pendant un an et demi avec la MRC et tous les producteur­s locaux pour démarrer mon abattoir bovinovin et en faire, en plus, un abattoir de porcs et de volailles », se souvient Jean-Robert Audet. Mais les investisse­ments n’ont pas été au rendez-vous et l’établissem­ent a dû fermer ses portes. L’éleveur a maintenant l’intention de réduire son cheptel à 8 ou 10 animaux et de vendre leur viande à la ferme.

25 médiations en 8 ans

En tant que créancier, le négociant de grains et de céréales Sylvain Chayer, copropriét­aire de Céréalex à Saint-Roch-de-l’Achigan, a participé à 25 processus de médiations pour des clients en difficulté depuis huit ans. Certaines démarches ont résulté en faillites, d’autres en restructur­ations qui, parfois, se sont quand même soldées par une fermeture. « Certains nous devaient tellement qu’on ramassait la ferme et qu’on continuait [la production] à leur place », se rappelle le négociant. Les clients en difficulté­s financière­s qui ont réussi à s’en sortir par le processus de médiation ont des ententes signées pouvant s’étendre jusqu’à 15 ou 20 ans avec Céréalex. C’est signe que la faillite d’une ferme peut avoir des effets à long terme.

Sylvain Chayer sait ce que c’est. Il a lui aussi été producteur porcin dont la rentabilit­é de l’exploitati­on ne lui permettait plus d’honorer ses dettes. Il y a six ans, avant d’être lui-même acculé à la faillite, il a préféré démanteler sa filière porcine. « On a arrêté l’hémorragie à temps. Ça faisait longtemps qu’on était dans le domaine. Les fermes étaient presque payées, sauf qu’on ne voulait pas investir 8 ou 10 M$ pour remettre les bâtiments à neuf et rester dans un domaine si peu enviable », dit-il.

Sylvain Chayer précise qu’à l’époque, l’entreprise céréalière avait les reins assez solides pour absorber l’impact financier du démantèlem­ent de sa filière porcine et des dettes qu’il y avait à éponger. Les pertes se sont tout de même chiffrées entre 4 et 5 M$ et pour « boucher tous les trous », des terres ont dû être vendues.

Avec la collaborat­ion d’Akli Afettouche

Dans le milieu agricole, le, les revers de fortune sont un sujet tabou.

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Le producteur de veaux Jean-Robert Audet préfère avoir des dettes que de ne pas avoir de projets.
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Sylvain Chayer
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