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Épandage de fumier : une députée contre la limite du 1er octobre

- JULIE MERCIER jumercier@ laterre.ca

La députée de SaintHyaci­nthe, Chantal Soucy, de la CAQ, propose de revoir la réglementa­tion sur l’épandage des fumiers après le 1er octobre afin de tenir compte des réalités climatique­s régionales. Il s’agit d’une demande de longue date des agriculteu­rs qui semble déranger le ministère de l’Environnem­ent.

L’article 31 du Règlement sur les exploitati­ons agricoles (REA) stipule que « l’épandage de matières fertilisan­tes ne peut être fait que du 1er avril au 1er octobre de chaque année » sur un sol non gelé et non enneigé. Les agriculteu­rs qui souhaitent effectuer de l’épandage au-delà du 1er octobre doivent obtenir une dérogation de la part d’un agronome. Cette réglementa­tion s’avère difficilem­ent applicable en Montérégie où la récolte de maïs et de soya s’étire généraleme­nt plus tard en octobre et en novembre, ce qui repousse d’autant l’épandage de fertilisan­ts. Selon La Financière agricole du Québec, l’an dernier, en date du 8 octobre, seulement 5 % du maïs et 20 % du soya avaient été récoltés dans le secteur de Saint-Hyacinthe.

Chaque année, les producteur­s montérégie­ns doivent donc systématiq­uement demander une dérogation à leur agronome, déplore la députée de Saint-Hyacinthe. « C’est un casse-tête. Il y a des frais et de la paperasse », estime cette fille et soeur d’agriculteu­r. Elle propose plutôt que la limite soit fixée en fonction des conditions météorolog­iques régionales.

Depuis son arrivée à l’Assemblée nationale en 2014, Mme Soucy a réitéré sa demande à quatre ministres de l’Environnem­ent successifs. Chaque fois, la politicien­ne a reçu la même lettre, signée d’une main différente. La dernière correspond­ance de mai 2019 indique que « la réglementa­tion actuelle tient compte de la réalité du climat. L’encadremen­t des épandages d’automne vise à limiter le ruissellem­ent des fertilisan­ts directemen­t dans les cours d’eau, car 70 % des pertes de phosphore se produisent lors des pluies d’automne et de la fonte des neiges au printemps ».

Lueur d’espoir

Après lui avoir répondu par la négative, son collègue Benoit Charette s’est cependant montré plus ouvert à la discussion. Ainsi, cet été, la députée de Saint-Hyacinthe a pu rencontrer de hauts fonctionna­ires du ministère de l’Environnem­ent pour exposer son point de vue. « J’en suis sortie avec une lueur d’espoir », affirme Mme Soucy. À la suite de la rencontre, on a convenu de mandater des fonctionna­ires afin de revoir cette réglementa­tion pour tenir compte de nouvelles études, explique la députée. Le ministère ne semble pas vouloir ébruiter cette démarche, car malgré l’insistance de La Terre, ses porte-parole ont été incapables de confirmer la tenue de cette rencontre. Chantal Soucy ne baisse pas les bras et compte relancer le dossier cet automne.

« Gros bon sens »

Les agriculteu­rs demandent depuis longtemps que soit retirée la date limite du 1er octobre. Une résolution à cet effet a d’ailleurs été adoptée lors de l’assemblée générale annuelle de la Fédération de l’UPA de la Montérégie.

De son côté, l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ) possède une ligne directrice sur ces épandages postrécolt­es de déjections animales. « Ce qui serait intéressan­t, c’est qu’il y ait des stratégies basées sur des facteurs agronomiqu­es permettant l’épandage selon les situations. C’est nettement plus agronomiqu­e et environnem­ental que de déterminer une date, estime Raymond Leblanc, conseiller en pratique profession­nelle à l’OAQ. La réalité, c’est que les structures d’entreposag­e doivent être vidées à l’automne », ajoute-t-il.

Le choix d’une date limite pour l’épandage en automne « devrait être à géométrie variable effectivem­ent par rapport au climat régional », affirme Marc-Olivier Gasser, de l’Institut de recherche en agroenviro­nnement (IRDA). Le scientifiq­ue rappelle qu’en termes d’efficacité, la fertilisat­ion devrait être appliquée en postlevée. « L’azote est toujours plus efficace quand il est appliqué durant la saison de culture, note-t-il. Dans un monde idéal, il vaut mieux aménager les systèmes culturaux pour mieux gérer les lisiers pendant que les cultures sont en croissance », conclut M. Gasser.

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Les agriculteu­rs demandent depuis longtemps que soit retirée la date limite du 1er octobre au profit d’une approche basée sur le climat régional.
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Chantal Soucy

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