La Terre de chez nous

Un sommet qui marque un tournant

- MARCEL GROLEAU Président général de l'Union des producteur­s agricoles

C’est à Serge Bouchard, anthropolo­gue, écrivain et animateur à la radio de Radio-Canada, qu’est revenu le défi d’ouvrir le Sommet agroenviro­nnemental Agricultur­e, nature et communauté, organisé conjointem­ent par l’Union des producteur­s agricoles (UPA) et la Chaire de recherche du Canada en économie écologique de l’Université du Québec en Outaouais (UQO).

M. Bouchard, grand amoureux de la nature et du territoire, a dressé un portrait de l’évolution de la relation de la société québécoise avec la forêt, la ruralité et l’agricultur­e. Un voyage intéressan­t dans l’histoire du Québec, qui nous aide à comprendre les difficulté­s de communicat­ion que nous avons aujourd’hui.

L’urbanisati­on, la disponibil­ité des aliments provenant de partout dans le monde et le fait que la très grande majorité des gens qui vivent aujourd’hui n’ont pas connu la faim créent un environnem­ent où l’agricultur­e et ceux qui la pratiquent n’ont plus la reconnaiss­ance qui leur est due. Les gens n’ont plus à savoir qui les nourrit. Le lien entre la nourriture, la terre, l’élevage et l’agricultur­e s’est perdu. Et l’on n’en parle plus. On ne parle plus d’agricultur­e. À une certaine époque, il y avait des émissions comme D’un soleil à l’autre. Aujourd’hui, on parle d’aliments, de cuisine et d’environnem­ent, mais de moins en moins d’agricultur­e. Il faut pourtant rétablir cette communicat­ion; c’est essentiel.

Animé par la journalist­e et chroniqueu­se Sophie-Andrée Blondin, le Sommet avait cet objectif, mais aussi celui d’établir le lien entre la recherche et la science ainsi que le transfert des connaissan­ces et leur mise en pratique dans les fermes. Scientifiq­ues, intervenan­ts et agriculteu­rs se sont donc succédé durant ces deux journées pour aborder les enjeux des changement­s climatique­s, la gestion des pesticides et la protection de l’eau et des sols.

Cette approche a donné lieu à de beaux échanges, riches d’enseigneme­nts pour tous les participan­ts du Sommet. Elle a démontré la nécessité de créer cette interrelat­ion étroite entre la science, le transfert des connaissan­ces et la mise en pratique à la ferme. Le Plan vert agricole que l’UPA préconise s’appuie sur ces prémisses.

La Coalition pour l’exception agricole et alimentair­e a profité du Sommet pour tenir un déjeuner et aborder l’enjeu de l’environnem­ent sous l’angle du traitement de l’alimentati­on et de l’agricultur­e dans les ententes commercial­es. Le commerce alimentair­e et l’ouverture des marchés agricoles conduisent à des aberration­s environnem­entales et sociales. L’aliment est essentiel à la vie. Le marché, à lui seul, ne peut assurer la sécurité alimentair­e des population­s. Il doit être un outil vers la sécurité alimentair­e, mais non sa finalité. Animé par Gérald Larose, travailleu­r social, syndicalis­te et professeur-chercheur, cette session a permis à Martin Aussant, économiste et homme politique, de nous expliquer pourquoi la théorie économique du libre marché ne peut s’appliquer à l’agricultur­e et à l’alimentati­on. Il a été suivi par Geneviève Parent, professeur­e titulaire de la Chaire de recherche en droit sur la diversité et la sécurité alimentair­e à l’Université Laval, qui a présenté la convention sur l’exception agricole et alimentair­e. Nous partageron­s et diffuseron­s ce projet très intéressan­t au cours des prochains mois.

Somme toute, un sommet des plus réussis. Je remercie sincèremen­t Jérôme Dupras, professeur en économie écologique à l’UQO et titulaire de la Chaire de recherche, ainsi que son équipe. Au terme du Sommet, tous demandaien­t quelles en seraient les suites.

Le mot de clôture du ministre de l’Agricultur­e, André Lamontagne, ainsi que la présence de représenta­nts de son ministère et de celui de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s me disent que la suite est déjà amorcée. La complicité qui s’est créée entre les agriculteu­rs, les chercheurs et les intervenan­ts lors de ce sommet va très certaineme­nt se poursuivre et accompagne­r le gouverneme­nt dans son passage à l’action. C’est ensemble, dans un projet qui interpelle toute la société que le Québec, par son habilité à se mobiliser et à innover, peut se démarquer en agroenviro­nnement.

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