La Terre de chez nous

Quand le perfection­nisme conduit à sa perte

- NANCY LANGEVIN, T.S. Travailleu­se de rang dans Chaudière-Appalaches GINETTE LAFLEUR Doctorante en psychologi­e communauta­ire à l’UQAM

Y a-t-il des perfection­nistes heureux? C’est le titre d’un ouvrage consacré à cette tendance excessive à rechercher la perfection en toute chose, qui peut conduire à des symptômes dépressifs et anxieux. C’est ce qui est arrivé à François, producteur maraîcher dans la quarantain­e. L’agriculteu­r était très investi dans l’entreprise familiale. Le mot « équilibre » était absent de son dictionnai­re.

Puis, il a frappé un mur. Il est tombé en dépression et a fait une tentative de suicide. Aujourd’hui, il peut témoigner de son parcours pour avoir une vie plus saine. Lorsque François parle de lui avant sa dépression, on s’étonne du nombre de fois où il exprime son besoin de contrôle et de perfection tout comme son incapacité à s’arrêter de travailler, ne serait-ce que pour s’accorder une petite pause le temps de recharger ses batteries.

François ne disait jamais non à des projets, sans se rendre compte qu’il dépassait ses limites. Il avait un besoin viscéral de tout contrôler. « L’entreprise croissait beaucoup. J’avais plus de responsabi­lités, je voulais tout contrôler, même la températur­e », mentionne-t-il.

Il se fixait donc des objectifs irréaliste­s qu’il ne pouvait évidemment pas atteindre. Comme bien des perfection­nistes à outrance, François était aussi extrêmemen­t exigeant envers lui-même. En effet, si tout n’était pas parfait, il se croyait bon à rien. Il avait également tendance à trop se responsabi­liser et à se soumettre à la dictature des « je dois » et des « il faut ». À s’investir avec excès dans le travail, à ne pas s’accorder de temps pour lui-même et à accumuler de la fatigue, il a fini par s’épuiser. Se fixer la barre trop haut génère très souvent du stress, de l’anxiété, de la culpabilit­é et un sentiment que tout nous échappe.

« Les nuits devenaient de plus en plus courtes. Ça tournait de plus en plus dans ma tête. J’étais en train de perdre le contrôle », confie-t-il.

Déçu des résultats obtenus depuis le début du printemps, il s’en tenait responsabl­e. De plus, il anticipait déjà des résultats décevants pour l’automne. « Sans le comprendre, j’étais dans un état dépressif depuis quelque temps. Découragé de la situation, je suis passé à l’acte. Je voulais arrêter de souffrir. »

Il a fallu une hospitalis­ation à la suite de sa tentative de suicide pour qu’il s’autorise enfin un arrêt de travail sans se sentir coupable. Il a obtenu l’aide d’une travailleu­se sociale pour la « réhabilita­tion » de son moral. Il y a eu aussi des rencontres avec ses associés pour rétablir l’équilibre dans leur milieu de travail.

Rechute

Durant six ans, tout s’est relativeme­nt bien passé, et puis, comme il l’explique, « la vieille routine s’est réinstallé­e peu à peu. Encore une fois, le travail a pris beaucoup de place dans ma vie ». Il est retombé dans ses vieilles façons de fonctionne­r et un signal d’alarme est réapparu. « Ma tête n’arrêtait pas de tourner. » Cette fois-ci, il n’a pas attendu que « le presto saute » pour consulter son médecin et une autre ressource d’aide. C’est avec une travailleu­se de rang qu’il a entrepris des changement­s plus profonds afin d’éviter de toujours emprunter des chemins dangereux pour sa santé.

« J’ai cheminé à travers les rencontres. Nous avons déterminé des objectifs pour atteindre un équilibre entre ma vie profession­nelle et personnell­e, explique-t-il. Étape par étape, j’ai réussi à les atteindre. »

Il conclut : « Pour tous ceux qui vivent une situation comme la mienne, tout est possible. Nous avons des ressources. Les travailleu­rs de rang sont là pour nous. Ils nous comprennen­t et n’ont aucun jugement. » Il ne faut surtout pas hésiter à les consulter.

Se fixer la barre trop haut génère très souvent du stress, de l’anxiété, de la culpabilit­é et un sentiment que tout nous échappe.

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