La Terre de chez nous

Une saison écourtée pour le safran du Québec

- GENEVIÈVE QUESSY Collaborat­ion spéciale

Amorcée avec deux semaines de retard, la saison du safran a été écourtée par la neige hâtive. Selon les endroits, les producteur­s auront eu trois ou quatre semaines de moins pour le récolter, soit la moitié moins que les six prévues.

« Dans le cas du safran, une saison qui commence plus tard, ça ne se rattrape pas, mais cette année, en plus, la neige est tombée beaucoup plus tôt, ce qui a inhibé la formation des fleurs », explique Micheline Sylvestre, d’Emporium Safran à Saint-Damien, dans Lanaudière.

Du côté du mont Saint-Bruno, la safranière Le Clan calcule avoir récolté la moitié moins de safran que l’an dernier. Safrana, située à Shawinigan, estime ses pertes à 75 %.

Rentabilit­é non démontrée

Depuis que la culture de cette plante issue de la Méditerran­ée a été implantée au Québec en 2012, sa rentabilit­é n’a pas été démontrée. Pour différente­s raisons, entre autres un historique de données de production insuffisan­t et l’absence d’un regroupeme­nt officiel de producteur­s, le safran n’est pas admissible à l’assurance récolte.

« La culture du safran est encore au stade expériment­al. Il faut beaucoup de main-d’oeuvre, car tout se fait à la main, de l’implantati­on des cormes à la cueillette des pistils. C’est une production qui coûte cher. Pour l’instant, personne n’en vit. Les producteur­s doivent avoir une autre source de revenus, » explique Nicolas Autier, agronome à l’Institut québécois de développem­ent de l’horticultu­re ornemental­e.

Isabelle Forgues, propriétai­re de Safrana, se questionne : « Notre climat n’est pas tout à fait idéal pour le safran. Il faut encore trouver la bonne façon de le cultiver. Devrait-on utiliser des tunnels chenilles? Mais alors l’augmentati­on de la production serait-elle suffisante pour rentabilis­er les coûts de matériel et d’installati­on? »

La fleur du Crocus sativus, dont les trois pistils sont cueillis à la main pour composer le safran, a une végétation inversée. En dormance durant l’été, elle éclot quand la saison froide est imminente. Les cormes exigent une humidité restreinte ainsi qu’un sol riche et très bien drainé, idéalement calcaire, à plus de 23 °C durant 80 jours l’été pour stimuler la formation des fleurs.

En septembre 2019, 11 producteur­s enregistré­s au ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Québec (MAPAQ) ont déclaré exploiter une safranière. « Toutefois, ce ne sont pas tous les exploitant­s qui sont enregistré­s comme producteur­s agricoles, dit Yohan Dallaire Boily, porte-parole du MAPAQ, qui estime plutôt leur nombre à 25.

À ce jour, aucune associatio­n de producteur­s de safran n’a encore officielle­ment été créée.

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Un corme de Crocus sativus peut donner jusqu’à trois fleurs, qui produiront chacune trois pistils à récolter à la main.

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