La Terre de chez nous

Les racines d’une économie écologique

- SIMON VAN VLIET

« Je suis un gardien de la Terre, j’en prends soin. » C’est ainsi que Peter G. Brown, producteur forestier certifié et professeur à la Faculté des sciences de l’agricultur­e et de l’environnem­ent de l’Université McGill, résume sa philosophi­e à l’égard de sa terre à bois d’environ 400 acres dans la municipali­té de Franklin, en Montérégie.

Contrairem­ent à bon nombre de ses collègues de l’École des sciences des ressources naturelles, de celle de l’environnem­ent ou du Départemen­t de géographie, le professeur Brown travaille sur des sujets qui peuvent ne pas sembler bien terre à terre à première vue.

Le chercheur s’intéresse avant tout aux systèmes de pensée qui façonnent notre lien à la Terre. Dans ses travaux, il interroge le rapport à la nature qui a mené l’être humain à dégrader la capacité de la planète à supporter la vie. Il est d’ailleurs membre du club de Rome, l’un des premiers groupes de scientifiq­ues à s’être inquiété du réchauffem­ent climatique et à avoir anticipé l’épuisement des ressources naturelles lié au modèle dominant de croissance économique globale.

Les fausses prémisses de l’économie classique

L’économie classique repose sur un « ensemble d’idées dangereuse­s », affirme le philosophe, qui remet en question notamment les préceptes de la croissance et de la propriété. Bien que sa critique ne vise pas spécifique­ment l’agricultur­e, il estime que « l’économie agricole comme discipline » est aux prises avec les mêmes contradict­ions que l’économie en général.

Ainsi, l’agricultur­e à grande échelle contribue à la déstabilis­ation du climat et produit des externalit­és négatives en générant des problèmes environnem­entaux comme la pollution. Par exemple, en contaminan­t les eaux de surface avec des engrais ou des pesticides, les entreprise­s agricoles font porter à la société une part du « fardeau des coûts de leurs activités », déplore le chercheur, qui voit là une forme de « propriété sans intendance », caractéris­tique du modèle économique classique.

Une économie à repenser

À la tête du centre Economics for the Anthropoce­ne, le professeur Brown cherche donc à élargir le champ de «l’économie écologique ». En misant sur une approche interdisci­plinaire, ce champ de recherche espère refonder le rapport entre l’humain et la Terre pour bâtir un système économique juste et efficace, respectueu­x de la vie et de la planète.

« Il faut repenser fondamenta­lement ce que l’on fait », affirme-t-il, soulignant que les bouleverse­ments climatique­s liés à l’activité humaine vont nous forcer, d’une façon ou d’une autre, à modifier le système économique. Cela est particuliè­rement vrai dans le secteur agricole, qui subit de plein fouet ces dérèglemen­ts. « L’agricultur­e joue un rôle-clé dans la stabilité ou l’instabilit­é climatique », note le professeur Brown.

Il prédit que l’intérêt que suscitera la manière dont on la pratique ira en s’accentuant « à mesure que l’attention du public sur la crise climatique augmentera ».

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Peter G. Brown, professeur à la Faculté des sciences de l’agricultur­e et de l’environnem­ent, possède aussi une terre à bois.

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