Une enfance dans une ferme des années 2000...
Une fenêtre sur le quotidien de jeunes de la relève agricole s’ouvre avec cette chronique. Désireux de valoriser leur métier, une dizaine d’entre eux prendront la plume à tour de rôle au cours des prochaines semaines.
En collaboration avec la Fédération de la relève agricole du Québec
Je suis un jeune ayant grandi à la ferme familiale située au pays qui sent le chocolat, la vanille, la gomme... Vous comprendrez que je viens de Coaticook. Eh oui, comme la fameuse crème glacée ! Mon enfance se résume à dormir sur la boîte à lunch de papa dans le coin d’un tracteur – ça, c’est quand je n’étais pas occupé à lui piquer une de ses liqueurs –, à jouer à cache-cache dans les rangs de paille frais faits et à me prendre pour le plus grand mécanicien du monde avec les trois-quatre boulons qui traînaient sur le plancher du garage.
Notre ferme de grandes cultures était le plus grand terrain de jeu qu’un enfant pouvait souhaiter. Les piqueniques dans les boîtes de pick-up au printemps, l’odeur de la terre fraîchement travaillée, porter ses petites bottines pour être pareil à papa… ça rend nostalgique. Je peux vous garantir que dans les bois chez moi, il y en a des vestiges de camps construits à partir d’un marteau et de planches abandonnées sur une tablette au fond de la remise. À l’oeil d’un architecte, constructeur et designer de huit ans, c’était des chefs-d’oeuvre d’une valeur inestimable!
La passion surpasse l’obligation
Aujourd’hui, avec le recul, c’est plutôt ces souvenirs qui ont cette valeur. Notamment à la suite de mon secondaire – les frais d’orientation n’ont pas été élevés. Sans l’ombre d’un doute, je voulais, tel que mes paternels avaient fait, cultiver la terre et continuer à améliorer le terrain de jeu, le patrimoine et la richesse d’un endroit comme chez moi. Néanmoins, si je suis certain de vouloir reprendre la ferme, ce n’est pas par devoir, comme on peut souvent le voir dans les histoires et les films. En 2020, c’est la passion qui surpasse l’obligation. Je peux en être reconnaissant à mon grand-père et à mon père, qui n’ont pas seulement su transférer leurs connaissances et des biens, mais aussi m’inculquer quelque chose de plus précieux qui s’appelle la trinité, c’est-à-dire une corrélation entre vocation, profession et passion. Ça n’a pas été très compliqué pour eux, car de l’agriculture, ils en mangent. J’emploie le verbe « manger » car, au sens propre ou littéraire, cette phrase ne peut être que plus véridique. Les entendre parler de leur métier comme s’il s’agissait d’un diamant brut en faisait une fable beaucoup plus intéressante à écouter que celles de Jean de La Fontaine. Saviez-vous que la formation d’un diamant peut nécessiter 3,3 milliards d’années (soit 75 % de l’âge de la Terre) ? C’est pourquoi une seule vie ne suffit pas pour confectionner un tel bijou qu’est une entreprise agricole et que les mains de plusieurs générations sont nécessaires pour polir un tel joyau.
Or, ce sont des exemples à suivre pour perpétuer l’existence des fermes générationnelles au Québec. Maintenant, je travaille de pair avec eux et mon rêve est d’un jour pouvoir, à mon tour, faire vivre la fabuleuse expérience qui est de grandir dans une ferme familiale.