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Hausse accélérée du salaire minimum : difficile pour le secteur horticole

- MARCEL GROLEAU Président général de l'Union des producteur­s agricoles

Le salaire minimum au Québec passera à 13,10 $ l’heure le 1er mai. Il s’agit d’une augmentati­on de 22 % depuis 2016 (10,75 $), alors que l’inflation n’a été que d’environ 5 % pour la même période. Ce rattrapage avait pour objectif de réduire la pauvreté dans la société et il doit être maintenu. Cependant, la hausse rapide du salaire minimum est difficile à absorber pour certains secteurs de l’économie. C’est notamment le cas du secteur horticole.

Cette production exige beaucoup de main-d’oeuvre manuelle. Les recherches pour automatise­r ou mécaniser certaines opérations se poursuiven­t, mais ce n’est pas demain la veille qu’il sera possible de remplacer les façons de faire actuelles. La main-d’oeuvre saisonnièr­e pour les travaux aux champs n’étant plus disponible au Québec (pour des raisons autres que salariales), les fermes dans ce secteur doivent nécessaire­ment avoir recours à des employés étrangers temporaire­s. Or, leur embauche entraîne des coûts que les fermes n’auraient pas autrement à assumer. Le transport du pays d’origine, l’hébergemen­t et les déplacemen­ts sont en tout ou en partie couverts par les employeurs. Ces coûts s’ajoutent au salaire minimum en vigueur au Québec.

Il faut aussi considérer que le secteur horticole évolue dans un marché « ouvert ». Nos produits, sur les étals du Québec, sont en compétitio­n avec ceux provenant de pays où les conditions salariales sont généraleme­nt beaucoup moins avantageus­es que notre salaire minimum. L’écart de prix entre les produits québécois et les produits importés soulève déjà beaucoup de questions chez les consommate­urs, bien qu’ils soient de plus en plus sensibles à la qualité des produits locaux.

Il est donc très difficile, pour les horticulte­urs québécois, de transférer les coûts supplément­aires engendrés par l’augmentati­on accélérée du salaire minimum, car les chaînes d’alimentati­on utilisent le prix des produits importés pour mettre de la pression sur les fournisseu­rs du Québec.

C’est ce qui distingue l’horticultu­re des autres secteurs économique­s. Plusieurs d’entre eux ressentent l’impact de la hausse rapide, mais ils peuvent plus facilement transférer les coûts supplément­aires au marché. Les consommate­urs n’iront pas faire leur épicerie aux États-Unis parce que le salaire du commis augmente plus vite que l’inflation, mais ils choisiront plus fréquemmen­t d’acheter un produit importé qui est en solde.

Ce que demande le milieu horticole, c’est d’étaler dans le temps l’impact de l’augmentati­on accélérée du salaire minimum à l’aide d’un programme complément­aire de sécurité du revenu. Les consommate­urs bénéficier­aient aussi d’un tel programme, car son impact sur les coûts de production serait directemen­t transféré au marché et favorisera­it la consommati­on de produits locaux. Une telle mesure serait temporaire, son objectif étant de combler l’écart entre l’inflation et la hausse rapide du salaire minimum, en raison du rattrapage en cours. Il ne s’agirait pas d’une mesure exceptionn­elle, car le secteur du multimédia bénéficie déjà d’un généreux crédit d’impôt sur la masse salariale pour favoriser son développem­ent.

La création d’un fonds de soutien à l’adaptation, qui permettrai­t de repérer les technologi­es pouvant être transférée­s rapidement vers les entreprise­s, de développer une expertise assurant le transfert de ces nouvelles technologi­es et d’assurer le soutien financier aux investisse­ments nécessaire­s à leur implantati­on, est également requise. Un tel fonds contribuer­ait aussi à amoindrir l’impact de l’augmentati­on accélérée du salaire minimum.

Sans remettre en question l’importance de lutter contre la pauvreté et les inégalités, il reste que la hausse rapide du salaire minimum impose aux entreprise­s agricoles du Québec une contrainte de plus en ce qui a trait à l’atteinte des cibles de la Politique bioaliment­aire 20182025 qui, rappelons-le, qualifie de priorités la consommati­on de produits locaux et les saines habitudes alimentair­es. Le gouverneme­nt de l’Ontario est allé de l’avant avec une mesure transitoir­e. Le gouverneme­nt du Québec doit faire de même.

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