Les femmes rarement honorées en agriculture
Chaque année, des hommes sont honorés pour leurs réalisations dans le monde de l’agriculture. Beaucoup d’hommes, mais très peu de femmes. Notre journaliste trace un portrait de la situation.
Sur les 103 personnes intronisées au Temple de la renommée de l’agriculture du Québec en 27 ans, 3 seulement sont des femmes. La proportion est de 9 femmes sur 227 pour son pendant canadien, depuis 1961. Le Gala Cérès du Salon de l’agriculture a rendu hommage à 3 femmes sur 22 depuis 2004. Cela représente une maigre proportion d’environ 4 % au total pour ces trois distinctions majeures du monde agricole. La Terre a cherché à savoir pourquoi la gent féminine est à ce point sous-représentée.
La femme qui préside le Temple de la renommée de l’agriculture du Québec, Hélène Drapeau, constate qu’au cours des dernières années, très peu de candidatures féminines ont été déposées pour l’obtention de cette distinction. Une seule a été soumise en 2017, une autre en 2018, mais aucune en 2019. « C’est de valeur que les candidates féminines n’aient pas réussi à se démarquer des autres candidatures », témoigne-t-elle.
Pour être admises au temple, les personnalités « doivent avoir joué un rôle d’envergure provinciale avec un impact de longue durée sur l’avancement d’un aspect ou d’un autre de l’agriculture du Québec ». Mme Drapeau croit que les femmes de plusieurs corps de métiers agricoles réussissent à se démarquer par leur implication, mais davantage au niveau local ou régional, ce qui les exclut de cette reconnaissance nationale. « J’aimerais tellement qu’on puisse n’avoir que des femmes une année! » lancet-elle tout de même avec optimisme. La dame ajoute au passage que le défi est grand pour encore bien des femmes de « se vendre » et de rayonner autant que les hommes.
Du côté du Temple canadien de la renommée agricole, l’ancien président Guy Charbonneau, qui demeure membre du conseil d’administration, souligne que cinq des huit femmes intronisées en 58 ans l’ont été au cours des 3 dernières années. « Maintenant, on cherche plus la parité », mentionne-t-il, avançant que, pendant longtemps, les femmes ne se mettaient pas de l’avant en société.
Entre culpabilité et injustice
La femme du producteur Réal Laflamme, qui a été honoré lors du dernier Gala Cérès en janvier, est loin d’envier son mari pour la reconnaissance qu’il a obtenue, notamment pour ses nombreux engagements à l’extérieur de la ferme. Si les rôles avaient été inversés, la mère de quatre enfants estime qu’il y aurait eu un « manque » à la maison et qu’elle aurait ressenti de la culpabilité face à ses responsabilités familiales, confie-t-elle à La Terre.
« C’est sûr que la femme s’occupe un peu plus des enfants que l’homme. Et c’est un peu une injustice », commente Réal Laflamme.
Interrogée sur la place des femmes dans les principales distinctions agricoles, la ministre fédérale de l’Agriculture, MarieClaude Bibeau, attribue le fait qu’elles soient encore « très sous-représentées » par le peu de postes de leadership occupés par ces dernières. « Elles sont les premières à prendre les responsabilités familiales et ont moins tendance [que les hommes] à s’absenter trois jours pour aller dans un congrès à Ottawa, par exemple », observe-t-elle.