Un effet de « gang » agricole
Une fenêtre sur le quotidien de jeunes de la relève agricole s’ouvre avec cette chronique. Désireux de valoriser leur métier, une dizaine d’entre eux prendront la plume à tour de rôle au cours des prochaines semaines.
Je suis originaire de ChaudièreAppalaches, près de Laurier-Station. J’ai grandi dans une ferme laitière principalement composée de bêtes Ayrshire. J’ai étudié à l’Institut de technologie agroalimentaire de La Pocatière et je me suis impliqué comme président du comité Expo-Poc lors de sa 33e édition. Durant mes études, j’ai eu la chance de côtoyer plusieurs agriculteurs de productions et de régions variées.
J’ai observé les gens qui travaillent sur le terrain en agriculture. J’ai remarqué que plusieurs producteurs avaient le syndrome du voisin gonflable. Exemple : je m’achète un tracteur de 150 ch, mon voisin va acquérir une machine similaire, mais verte et à 180 ch! Par moments, c’est pour rire. Par contre, quelquefois, ça devient une compétition sérieuse et tu dois défendre ton entreprise et ta façon de faire. Aussi, lorsqu’un agriculteur vit une difficulté, l’entraide n’est malheureusement pas toujours présente dans son milieu ou même dans sa propre famille. On entend parfois certains voisins souhaiter que ce malheur perdure pour pouvoir acheter la terre. L’argent est le nerf de la guerre et c’est pourquoi les terres sont si convoitées.
Dans l’Est-du-Québec
Je vis désormais en Gaspésie, où il y a beaucoup moins de fermes actives. Certaines entreprises ont fait beaucoup moins d’investissements (bâtiments, machinerie, etc.) et ont gardé un volume de production stable. J’ai eu l’impression de faire un retour en arrière de 20 ans, mais je comprends et respecte leurs choix. Ici, les gens ont une valeur précieuse que l’ouest du Québec a perdue depuis 20 ans, ce que j’appelle la bienveillance-soin. Il s’agit de prendre soin du bien-être des membres du groupe d’appartenance. En Gaspésie, tous les producteurs (laitiers, maraîchers, bovins, ovins, agrotouristiques, etc.) se tiennent ensemble. Si une entreprise vit une situation difficile, les producteurs vont offrir un réel soutien. Ses voisins, agriculteurs ou non, vont l’aider par tous les moyens possibles. C’est très différent de ce que je voyais avant d’être ici.
Il y a un effet de « gang » qui ne se compare en rien ailleurs dans la province. Quand il y a une assemblée du lait, je vous assure que les producteurs sont là en grosse majorité et que l’ambiance y est plaisante et amicale. Il y a des cas de voisins gonflables, mais c’est très loin d’être sérieux. Chaque entreprise agricole est un point économique important dans la région puisqu’elle crée des emplois indirects par ses besoins en services variés. Avec la disparition d’une entreprise, c’est toute la région qui en souffre, car en ayant un point économique en moins, les fournisseurs se déplacent moins. On subit alors une réduction d’emplois et finalement, une réduction de services pour tous les Gaspésiens et Gaspésiennes.
Il y a un solide mouvement de groupe pour maintenir les entreprises et en créer de nouvelles, car tout le monde sait qu’on est dans le même bateau et qu’en se regroupant, on a le pouvoir de faire avancer la Gaspésie agricole dans la bonne direction. Désormais, je demeure dans la Baie-des-Chaleurs, en étant gestionnaire agricole de la plus grosse fraisière de l’Est-du-Québec, et j’ai à coeur d’embarquer dans ce mouvement rassembleur que j’y ai découvert.