Le Québec à l’heure du bon voisinage
Les sources d’irritation entre résidents de la campagne et producteurs agricoles sont nombreuses au Québec. Si plusieurs voisins ne réussissent pas à s’entendre, d’autres, au contraire, parviennent à tisser des relations harmonieuses.
La cohabitation entre les résidents de la campagne et les agriculteurs est encore loin d’être parfaite, mais elle s’est améliorée au cours des 10 dernières années. C’est ce qu’affirme Richard Lehoux qui a été producteur, maire de Saint-Elzéar pendant 19 ans, préfet de la MRC de La Nouvelle-Beauce durant 17 ans et président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM) de 2014 à 2017. « Ce que je me suis affairé à faire quand j’étais à la FQM, c’est de rapprocher [les gens] et de faire mieux connaître les réalités du monde agricole […] et de la ruralité », indique celui qui est aujourd’hui député conservateur à Ottawa.
Éduquer les gens à la réalité de la production porcine, c’est aussi ce que fait le producteur Bernard Pitt, de L’Épiphanie dans Lanaudière, lorsque les odeurs de lisier en provenance de sa ferme chatouillent les narines des golfeurs qui frappent des balles à proximité pendant l’été.
« De toute manière, [les odeurs], ce n’est seulement que quelques jours par année », dit en souriant le directeur général du Club de golf de L’Épiphanie, Denis Girard. Aujourd’hui, M. Pitt rit de bon coeur avec ses amis sur le parcours de golf adjacent à sa ferme, mais la relation n’a pas toujours été aussi harmonieuse.
En achetant la ferme porcine de son père il y a 30 ans, Bernard Pitt s’est conformé aux nouvelles exigences environnementales de l’époque et a fait construire des fosses à purin. Pendant près d’une décennie, les odeurs de ses épandages lui ont valu de nombreuses menaces et pétitions de la part des résidents de la municipalité et des membres du club de golf voisin l’enjoignant de cesser ses activités. Pour tenter d’atténuer les odeurs, le producteur a fait planter une haie brise-vent de plus de 1 000 arbres autour de sa ferme et s’est acheté un système afin de s’occuper lui-même de l’épandage de son fumier pour remédier aux retards occasionnels du sous-traitant chargé de vider ses fosses et d’effectuer l’épandage. Malgré cela, les relations ne s’harmonisaient pas.
Prêt de tracteur contre carte de membre
C’est une conversation à la brasserie locale avec le nouveau surintendant du Club en 1996 qui a marqué la fin des hostilités. Les revenus du golf étaient à la baisse et pour réduire les dépenses, celui-ci a proposé à M. Pitt de conclure un marché : l’emprunt de son tracteur et de sa souffleuse pour déneiger les sentiers du parcours contre une carte de membre. Si aujourd’hui, 22 ans plus tard, M. Pitt paye sa cotisation comme tous les golfeurs, la relation n’a jamais été aussi bonne. Le producteur veille même à ne pas effectuer d’épandage pendant la fin de semaine pour ne pas incommoder les golfeurs de l’autre côté de la haie brise-vent.
« C’est un bon membre en plus : il dépense au Club », dit à la blague Denis Girard. Le directeur général précise d’ailleurs qu’il n’a pas hésité à signer le document d’appui au projet d’agrandissement de M. Pitt lorsque ce dernier le lui a présenté il y a quelques mois.
Moins d’odeurs de cannabis à Mirabel
Les relations avec le voisinage d’un autre producteur, Stéphane Bertrand, se sont également améliorées au cours des derniers mois. Après que des odeurs de cannabis eurent incommodé les élèves d’une école primaire de Mirabel, M. Bertrand a peaufiné ses techniques de production. Aujourd’hui, il cultive 8 000 plants par semaine au lieu des 45 000 d’il y a un an, utilise des variétés moins odorantes, récolte de plus petits plants, et a déplacé les capteurs de senteurs du sol dans le haut des serres afin de réduire les odeurs rejetées à l’extérieur.