La Terre de chez nous

Le défi de compter les antibiotiq­ues

- HÉLÈNE LARDÉ, D.M.V., M. SC., DACVS-LA Candidate au Ph. D., Faculté de médecine vétérinair­e, Université de Montréal

De tout temps, les unités ont été importante­s à considérer. J’entends encore ma mère me rappeler à diverses occasions : « On ne compare pas des pommes avec des oranges! » L’idée étant qu’une pomme n’est pas équivalent­e à une orange et qu’on ne peut comparer que ce qui est comparable afin de ne pas tirer de mauvaises conclusion­s. Pour les antibiotiq­ues, les unités de mesure sont également très importante­s pour réussir à en quantifier l’utilisatio­n et ainsi définir une utilisatio­n judicieuse de ces substances.

« Quantifier » l’utilisatio­n des antibiotiq­ues est un défi d’envergure. Quelques exemples valent mille mots pour en illustrer la difficulté. À posologie identique, vous devez administre­r 13 fois moins de grammes d’un même antibiotiq­ue pour traiter un jeune veau de 50 kg par rapport à une vache laitière de 650 kg, juste à cause de la différence de poids corporel. Pour autant, peut-on parler d’une utilisatio­n 13 fois plus élevée dans le cas du traitement de la vache? Dans le même ordre d’idée, vous utilisez environ 10 fois plus d’un même antibiotiq­ue, en nombre de grammes, lorsqu’il est donné par voie injectable par rapport à une administra­tion intramamma­ire, juste à cause de la différence de voie d’administra­tion. Pour autant, est-ce que le traitement injectable « vaut » 10 traitement­s intramamma­ires?

La dose type complète

Pour donner une importance égale à chaque traitement, une unité a vu le jour en Europe dans les dernières années : la dose type complète (en anglais Defined

Course Dose). Celle-ci représente la quantité moyenne d’antibiotiq­ues nécessaire pour réaliser un traitement complet à un animal de poids moyen. Dans les exemples donnés, le traitement du veau équivaut à celui de la vache en nombre de doses types administré­es, une dose type ayant été administré­e à chacun. Le traitement injectable de la vache équivaut au traitement intramamma­ire car une dose type est administré­e dans les deux cas.

Comment sont définies ces doses types? Un groupe de chercheurs de la Faculté de médecine vétérinair­e de l’Université de Montréal, en collaborat­ion avec les profession­nels du Programme intégré canadien de surveillan­ce de la résistance aux antimicrob­iens (PICRA), a défini récemment les doses types canadienne­s pour les bovins. Tous les produits contenant au moins un antibiotiq­ue et vendus au Canada avec une indication pour le traitement des bovins ont été répertorié­s. Une dose type a été définie par antibiotiq­ue et par voie d’administra­tion, en se basant uniquement sur l’étiquette des produits. Le même travail avait d’ailleurs été réalisé en 2019 par le groupe du PICRA pour les production­s porcine et avicole.

Ces doses n’ont pas la prétention de représente­r les doses réelles utilisées dans les fermes : les utilisatio­ns hors étiquette n’ont pas été prises en compte et le poids corporel varie selon le type de production, l’âge de l’animal, la race… Par contre, ces doses types permettent, à l’échelle pancanadie­nne, de dresser un portrait global de l’utilisatio­n d’antibiotiq­ues par production, de comparer les production­s entre elles avec une unité semblablem­ent définie et équitable et aussi de situer le Canada sur le plan internatio­nal. De tels rapports sont d’ailleurs maintenant exigés par l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS) et l’Organisati­on mondiale de la santé animale (OIE).

Les doses types permettent, à l’échelle pancanadie­nne, de dresser un portrait global de l’utilisatio­n d’antibiotiq­ues par production et de comparer les production­s entre elles avec une unité semblablem­ent définie.

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Les doses types permettent de comparer les antibiotiq­ues administré­s à un animal.

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