Les abattoirs menacés de ralentissement
Les nombreux cas de COVID-19 diagnostiqués chez les travailleurs dans les abattoirs du Québec ont causé de l’inquiétude dans le secteur porcin, bovin et avicole la semaine dernière. « À partir du moment où on ferme les abattoirs pour des raisons sanitaires, bien, les animaux qui devaient être abattus [s’entassent] puis ça crée un gros problème pour les producteurs », a même souligné le premier ministre Legault vendredi. Au moment de mettre le journal sous presse, l’Institut national de santé publique du Québec dévoilait un protocole sanitaire qui permettra aux employés d’abattoirs non symptomatiques de continuer de travailler, malgré l’apparition de la maladie chez des collègues.
Les modalités de mise en place de ces nouvelles mesures n’étaient toutefois pas connues en fin de journée vendredi. Une source gouvernementale a indiqué à La Terre ne pas savoir quelles seraient les conséquences d’un tel protocole sur la réouverture de l’usine d’Olymel à Yamachiche, fermée depuis le 29 mars. Du côté des Éleveurs de porcs du Québec, le président David Duval souhaitait en savoir davantage avant de commenter.
Inquiétudes
Tout au long de la semaine dernière, les producteurs craignaient les conséquences du ralentissement des abattages dans les usines.
« À long terme, [garder nos porcs à la ferme] ne peut pas fonctionner », mentionnait le producteur de porcs Martin Auger, qui n’avait livré la semaine dernière que 50 % des porcs vendus à trois usines d’Olymel. Roland Morneau parlait, quant à lui, d’une réduction de 25 % de ses livraisons de porcs à l’usine de Vallée-Jonction, notamment à cause des arrivages de cochons qui auraient dû être abattus à Yamachiche. « On va devoir garder nos porcs combien de temps? C’est inquiétant pour les prochaines semaines », disait-il. En milieu de semaine, le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval, allait même jusqu’à évoquer, en dernier recours, l’euthanasie des animaux à la ferme si aucune solution n’était trouvée. Une mesure aussi évoquée par le président des Éleveurs de volailles du Québec, Pierre-Luc Leblanc. Au moment de mettre sous presse, les usines d’Exceldor fonctionnaient toujours à plein régime, mais pour « donner du souffle aux abattoirs », les éleveurs de volaille envisageaient de déplacer certains élevages vers d’autres bâtiments de ferme et de réduire pour une courte période le nombre de bêtes à leur envoyer.
Impact sur la valeur du bétail
En entrevue avec La Terre, le 2 avril, le président des Producteurs de bovins du Québec (PBQ), Claude Viel, expliquait l’instabilité du marché par l’arrêt des activités à l’abattoir JBS en Pennsylvanie.
« Les abattoirs et les gouvernements font ce qu’ils peuvent pour limiter la propagationdelaCOVID-19chezlesemployésdans les usines, mais c’est difficile à contenir. Il y a d’autres abattoirs majeurs, notamment celui en Ontario, qui pourraient fermer du jour au lendemain, parce que des travailleurs sont testés positifs. Il faut surveiller ça et s’attendre à ce que la valeur du bétail change subitement, encore plus qu’à l’habitude », a-t-il expliqué.
Le 30 mars, les prix à l’encan pour les vaches de réforme avaient baissé de 20 % par rapport à la semaine précédente. Le 1er avril, toutefois, un regain de 2 à 3 sous la livre était constaté.
M. Viel suggère aux producteurs de bien engraisser leurs bêtes avant de les envoyer à l’encan. « Un meilleur état de chair donne une valeur ajoutée aux animaux. Quand il ne reste qu’une tomate sur la tablette à l’épicerie, on la prend et c’est tout, mais quand le bac est plein, on prend les plus belles. C’est pareil avec le bétail. » Les PBQ promettent de suivre assidûment les tendances de prix et invitent les éleveurs à s’abonner à leur infolettre ou à consulter régulièrement leur site Internet pour rester à l’affût.
Avec la collaboration de Josianne Desjardins et de Caroline Morneau
« On va devoir garder nos porcs combien de temps? C’est inquiétant pour les prochaines semaines » – Roland Morneau