La Terre de chez nous

Iniquités salariales

- CAROLINE MORNEAU cmorneau@ laterre.ca

Les primes du gouverneme­nt visant à attirer les Québécois dans les champs ne font pas le bonheur de tous. Les travailleu­rs saisonnier­s d’expérience qui gagnent entre 14 $ et 17 $ de l’heure auront, en fin de compte, un salaire moins élevé que les nouveaux travailleu­rs admissible­s à l’aide de l’État cette saison. C’est du moins la réalité qui prévalait au moment d’aller sous presse, il y a quelques jours.

« Notre secteur, qui valorise l’expérience et les compétence­s des travailleu­rs et travailleu­ses saisonnier­s récurrents, se sent clairement sacrifié, et la mesure qui nous apparaissa­it un excellent moyen de valoriser publiqueme­nt notre profession nous semble désormais réservée aux grandes entreprise­s dont la maind’oeuvre est en grande partie étrangère », s’est insurgée la copropriét­aire de la Ferme Croque-Saisons, Caroline Poirier, dans un message Facebook diffusé le 26 avril et partagé plus de 350 fois.

La productric­e maraîchère de Lingwick, en Estrie, embauche huit employés saisonnier­s, dont seulement deux travaillen­t au salaire minimum, étant donné qu’ils sont nouveaux. Les six autres, qui cumulent quelques années d’expérience à la ferme ou ont une formation collégiale, gagnent entre 14 $ et 17 $ de l’heure. « C’est un véritable casse-tête », réagit celle qui est aussi présidente de la Coopérativ­e pour l’agricultur­e de proximité écologique (CAPÉ) en entrevue avec La Terre, estimant que ses travailleu­rs d’expérience, dont le revenu « est loin d’être exorbitant » se retrouvent abandonnés par le système.

Échelle salariale à la ferme

La copropriét­aire de la Ferme aux petits oignons, Véronique Bouchard, engage quant à elle une vingtaine de travailleu­rs saisonnier­s, dont certains reviennent depuis sept ans. « On prend la peine de mettre en place une échelle salariale à la ferme qui tient compte de l’expérience, de l’ancienneté et de la formation et qui permet d’aller chercher jusqu’à 20 $ de l’heure. On crée différents postes avec différents niveaux de responsabi­lités pour donner aux employés des possibilit­és d’avancement, pour qu’ils soient heureux chez nous et qu’ils aient envie de rester. Et le gouverneme­nt vient tout gâcher en offrant des primes qui s’adressent seulement aux gens sans expérience qui gagnent le salaire minium », témoigne l’agricultri­ce, qui compte cinq nouveaux venus dans son équipe cette saison. « Comment vais-je expliquer à mon employé qui travaille avec moi depuis sept ans que le petit nouveau fera plus que lui ? »

Négociatio­ns en cours

Le directeur général de l’Associatio­n des producteur­s maraîchers du Québec, Jocelyn St-Denis, reconnaît la pression qu’engendre cette situation pour les agriculteu­rs, considéran­t que plusieurs n’ont pas les moyens d’assumer les frais pour hausser les salaires de leurs travailleu­rs d’expérience. Également au fait de cette problémati­que, la directrice générale du comitéAgri­carrières,GenevièveL­emonde, a assuré, le 30 avril, que des négociatio­ns étaient en cours avec Québec pour que les employés agricoles qui gagnent « un peu au-dessus du salaire minimum » soient admissible­s à une prime.

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Plusieurs employés agricoles d’expérience ne sont pas admissible­s aux incitatifs du gouverneme­nt et gagneront moins que les nouveaux travailleu­rs recrutés au champ cette année.

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