La Terre de chez nous

Le couple à la ferme en temps de confinemen­t

- HÉLEN BOURGOIN, T.E.S. Travailleu­se de rang dans le Centre-du-Québec GINETTE LAFLEUR Doctorante en psychologi­e communauta­ire à l’UQAM Soumettez votre témoignage en toute confidenti­alité : acoeur@laterre.ca ou 1 877 679-7809 555, boulevard Roland-Ther

Le monde agricole n’en est pas à sa première crise. Pour les gens issus de l’agricultur­e, être isolés, loin des grands centres, est chose courante. La résilience, ils connaissen­t. Cependant, la pandémie est quelque chose de complèteme­nt différent de tout ce qui a été vécu jusqu’à présent. Confinés à la maison avec des enfants présents tous les jours et ébranlés par les impacts de la COVID-19 sur le secteur agricole, des couples sont mis à rude épreuve. Est-ce que ça veut dire que la survie de ces couples est menacée? Pas nécessaire­ment.

En ces temps où le télétravai­l est à l’honneur, les agriculteu­rs et agricultri­ces continuent de se lever à l’aube pour nourrir la population. Pour certains, la fermeture des écoles permet d’avoir l’aide des plus vieux à la ferme. Pour d’autres, l’interrupti­on des services de garde entraîne un joli casse-tête d’horaire et un ralentisse­ment de leur rythme de travail. Pour Maryse, le plus difficile est de réaliser que son couple ne survivra peutêtre pas à cette fameuse COVID-19 : « Dans le tourbillon de la vie, on s’est oubliés. Avec le confinemen­t et les enfants à temps plein à la maison, ma patience a disparu. Je me sens dépassée et tellement fatiguée », raconte avec émotion la maraîchère.

Du travail par-dessus la tête, elle en a et en aura encore plus. La charge mentale est augmentée. « Mon nombre de travailleu­rs étrangers est réduit et la plupart ne sont même pas encore arrivés. Je me sens seule à tout gérer ici : ferme, maison, enfants, ménage et paperasse », lance-t-elle. L’agricultri­ce a de la difficulté à communique­r avec son conjoint, également propriétai­re de la ferme. Selon elle, « leur couple ne tiendra pas ».

Du temps pour soi

Est-ce que Maryse prend du temps pour elle? La réponse est non. « Comment tu veux que je m’occupe de moi avec trois enfants et une entreprise? » s’exclame l’agricultri­ce. Malheureus­ement, s’occuper d’elle est à la fin de sa « to do list » quotidienn­e. Lorsqu’elle le peut, elle essaie d’être seule pour réfléchir. Par contre, ces moments sont rares. « Parler d’une séparation en temps de pandémie, est-ce vraiment le temps? » se questionne-t-elle. En effet, ce n’est pas le moment idéal pour sauter aux conclusion­s. Par contre, elle n’a d’autre choix que d’exprimer à son conjoint qu’elle a besoin d’aide, qu’elle se sent fragile ces temps-ci et que la lourdeur de cette situation particuliè­re lui pèse sur les épaules. Une bonne conversati­on où chaque partenaire consent à accorder à l’autre l’espace pour parler, mais aussi pour écouter, sera aidant. Aucune décision ne devrait se prendre sur un coup de tête. Il faut rester ou quitter pour les bonnes raisons.

De plus, l’angoisse de Maryse augmente lorsqu’elle pense à la saison d’été et au marché public qui sera peut-être annulé. « C’est là que je fais mon profit, mais surtout, c’est mon endroit pour socialiser et jaser avec le monde. Ça me sort de mes fraises et me fait un grand bien », poursuit-elle. L’insécurité financière rajoute à son insomnie. C’est pourquoi elle continue ses démarches de consultati­on avec une aide profession­nelle afin de l’aider à voir plus clair, à prendre des bonnes décisions.

Tout comme pour Maryse, la situation des agriculteu­rs et agricultri­ces est instable en ce moment. Nul n’a de réponse sur l’avenir alimentair­e. Cependant, il est bon de se rappeler qu’en tout moment, il existe des intervenan­ts psychosoci­aux pouvant répondre à vos besoins en matière de santé mentale. Prenez soin de vous autant physiqueme­nt que mentalemen­t.

« Mon nombre de travailleu­rs étrangers est réduit. Je me sens seule à tout gérer ici : ferme, maison, enfants, ménage et paperasse. »

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