La Terre de chez nous

Quand les plantes contre-attaquent

- KATHLEEN COUILLARD Agence Science-Presse

« Les gens disent que les plantes sont immobiles et ne peuvent donc pas fuir le danger, constate Jacqueline Bede. C’est vrai et, pour cette raison, elles doivent être attentives à tous les signaux provenant de leur environnem­ent. C’est fascinant de voir qu’elles parviennen­t à réagir de la bonne façon à toutes sortes de situations. »

Jacqueline Bede est chercheuse à l’Université McGill. « Je travaille sur les interactio­ns entre les plantes et les insectes, en particulie­r sur les stratégies des plantes pour se défendre contre les attaques des chenilles », explique-t-elle.

Pour répondre aux agressions des insectes, les plantes produisent différents composés chimiques. Ces composés peuvent avoir des effets variés. Par exemple, certains sont carrément toxiques pour l’insecte alors que d’autres peuvent attirer ses ennemis naturels, comme les guêpes parasitoïd­es.

« Depuis quelque temps, nous nous intéresson­s plus spécifique­ment aux répercussi­ons des changement­s climatique­s sur la capacité des plantes à se défendre », ajoute Mme Bede. Depuis quelques décennies, les niveaux de CO atmosphéri­que sont en hausse. Cela peut être avantageux pour certaines plantes de type C3 (par exemple, le soya et le blé) puisqu’une concentrat­ion élevée de

CO dans l’air augmente l’efficacité de la photosynth­èse pour ces plantes, ce qui favorise leur croissance.

« Cependant, nous avons observé que certains mécanismes de défense des plantes ne sont plus aussi performant­s lorsque le niveau de CO augmente, notamment contre les attaques de chenilles, explique la chercheuse. Nous avons par ailleurs observé que la quantité de fertilisan­ts à base d’azote pouvait amplifier cet effet. »

En raison des changement­s climatique­s, les producteur­s pourraient donc remarquer que leurs plantes ne réagissent plus de la même façon aux invasions d’insectes. Il pourrait alors être nécessaire de modifier certaines pratiques agricoles. La communauté scientifiq­ue tente donc de mieux comprendre le phénomène. « Nous pourrons alors offrir des informatio­ns aux producteur­s afin de minimiser les effets négatifs », souligne Mme Bede.

La réaction des insectes

L’équipe de Jacqueline Bede étudie aussi la façon dont certains insectes réussissen­t à contourner les mécanismes de défense des plantes. C’est le cas de la noctuelle de la betterave, un papillon de nuit dont la chenille ravage les champs. « Certaines chenilles produisent des molécules qui court-circuitent les processus de défense de la plante », mentionne-t-elle.

Enfin, la chercheuse s’intéresse au rôle que la plante peut jouer pour optimiser l’utilisatio­n de certains pesticides. « Lorsqu’on applique un pesticide, certains insectes produisent une enzyme leur permettant de le neutralise­r, explique-t-elle. Nous voulons étudier comment certaines plantes synthétise­nt des composés empêchant ces enzymes de fonctionne­r. »

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Il pourrait être nécessaire de modifier certaines pratiques agricoles en raison des changement­s climatique­s qui modifient la réaction des plantes aux invasions d’insectes.

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