La Terre de chez nous

Pression supplément­aire sur la santé psychologi­que

- CAROLINE CHRÉTIEN Collaborat­ion spéciale

Manque de main-d’oeuvre, incertitud­e financière, approvisio­nnement en matériel difficile... même si les agriculteu­rs sont habitués aux imprévus, plusieurs se seraient passés de la pression supplément­aire qu’ajoute la pandémie de COVID-19 sur leurs épaules.

C’est le cas de James Thompson, producteur maraîcher de Lochaber-Partie-Ouest, en Outaouais, qui se dit autant fatigué que s’il était en fin de saison. La présence de ses trois enfants a chamboulé l’horaire de travail. « Normalemen­t, quand j’embarque dans mon tracteur, il n’y a personne qui joue autour. Là, il faut encore plus regarder », s’inquiète-t-il.

Et si les Québécois sont nombreux à vouloir prêter main-forte dans les fermes, ça veut aussi dire qu’il faut évaluer chaque CV. « J’ai moins de temps, mais j’ai plus de choses à faire », illustre M. Thompson.

À Thurso, la Ferme Brylee a dû réorganise­r son modèle d’affaires en quelques jours. Le tiers de ses revenus reposait sur sa table champêtre et les mariages, tous annulés au moins jusqu’à la fin de l’été. Par chance, incités à consommer localement, les clients ont multiplié les commandes de boeuf nourri à l’herbe, la spécialité de l’entreprise. Mais encore faut-il répondre à cette demande. Résilient, le propriétai­re Brian Maloney déplore toutefois un isolement encore plus grand d’habitude pour les producteur­s. « Ça fait un mois que je n’ai pas vu mes voisins », se désole-t-il.

Écoute et solidarité

Selon Philippe Roy, professeur à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke et auteur de publicatio­ns sur la santé mentale des travailleu­rs agricoles, il faut s’appeler, surtout lorsqu’on est sans nouvelles depuis longtemps. « L’isolement, c’est l’oxygène dont peut se nourrir la détresse », affirme-t-il.

Les organismes d’aide aux agriculteu­rs le savent. Écoute agricole des Laurentide­s a été à pied d’oeuvre auprès des acériculte­urs, des producteur­s maraîchers et des producteur­s laitiers.

Le directeur général de l’organisme Au coeur des familles agricoles, René Beauregard, n’a pas remarqué d’explosion de demandes auprès de son organisme, mais ça pourrait changer. « Il y a des facteurs susceptibl­es de devenir plus stressants au cours des prochaines semaines et ça pourrait avoir un impact négatif », estime-t-il.

Avant la pandémie, environ un agriculteu­r sur deux vivait déjà un niveau de stress psychologi­que élevé selon deux études récentes menées par des chercheuse­s de l’Université du Québec à Montréal et de l’Université de Guelph, en Ontario.

Un élément rend toutefois la crise plus facile à supporter, selon plusieurs. Et c’est, comme le constate M. Beauregard, le sentiment de solidarité. « Les agriculteu­rs sont très conscients qu’ils ne sont pas les seuls à traverser cette épreuve », affirme-t-il.

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Le maraîcher James Thompson, de Notre petite ferme, est inquiet de la pression qui s’ajoute sur les épaules des agriculteu­rs.
 ??  ?? Brian Maloney et Lise Villeneuve, de la Ferme Brylee, ont dû réorganise­r leur modèle d’affaires en raison de la pandémie.
Brian Maloney et Lise Villeneuve, de la Ferme Brylee, ont dû réorganise­r leur modèle d’affaires en raison de la pandémie.

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