Pression supplémentaire sur la santé psychologique
Manque de main-d’oeuvre, incertitude financière, approvisionnement en matériel difficile... même si les agriculteurs sont habitués aux imprévus, plusieurs se seraient passés de la pression supplémentaire qu’ajoute la pandémie de COVID-19 sur leurs épaules.
C’est le cas de James Thompson, producteur maraîcher de Lochaber-Partie-Ouest, en Outaouais, qui se dit autant fatigué que s’il était en fin de saison. La présence de ses trois enfants a chamboulé l’horaire de travail. « Normalement, quand j’embarque dans mon tracteur, il n’y a personne qui joue autour. Là, il faut encore plus regarder », s’inquiète-t-il.
Et si les Québécois sont nombreux à vouloir prêter main-forte dans les fermes, ça veut aussi dire qu’il faut évaluer chaque CV. « J’ai moins de temps, mais j’ai plus de choses à faire », illustre M. Thompson.
À Thurso, la Ferme Brylee a dû réorganiser son modèle d’affaires en quelques jours. Le tiers de ses revenus reposait sur sa table champêtre et les mariages, tous annulés au moins jusqu’à la fin de l’été. Par chance, incités à consommer localement, les clients ont multiplié les commandes de boeuf nourri à l’herbe, la spécialité de l’entreprise. Mais encore faut-il répondre à cette demande. Résilient, le propriétaire Brian Maloney déplore toutefois un isolement encore plus grand d’habitude pour les producteurs. « Ça fait un mois que je n’ai pas vu mes voisins », se désole-t-il.
Écoute et solidarité
Selon Philippe Roy, professeur à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke et auteur de publications sur la santé mentale des travailleurs agricoles, il faut s’appeler, surtout lorsqu’on est sans nouvelles depuis longtemps. « L’isolement, c’est l’oxygène dont peut se nourrir la détresse », affirme-t-il.
Les organismes d’aide aux agriculteurs le savent. Écoute agricole des Laurentides a été à pied d’oeuvre auprès des acériculteurs, des producteurs maraîchers et des producteurs laitiers.
Le directeur général de l’organisme Au coeur des familles agricoles, René Beauregard, n’a pas remarqué d’explosion de demandes auprès de son organisme, mais ça pourrait changer. « Il y a des facteurs susceptibles de devenir plus stressants au cours des prochaines semaines et ça pourrait avoir un impact négatif », estime-t-il.
Avant la pandémie, environ un agriculteur sur deux vivait déjà un niveau de stress psychologique élevé selon deux études récentes menées par des chercheuses de l’Université du Québec à Montréal et de l’Université de Guelph, en Ontario.
Un élément rend toutefois la crise plus facile à supporter, selon plusieurs. Et c’est, comme le constate M. Beauregard, le sentiment de solidarité. « Les agriculteurs sont très conscients qu’ils ne sont pas les seuls à traverser cette épreuve », affirme-t-il.