Les ténors de l’agroalimentaire alertent Québec et Ottawa
Les hauts dirigeants des principaux maillons de la chaîne agroalimentaire de la province réclament d’une même voix un programme d’aide financière spécifique de 650 M$ pour traverser la crise de la COVID-19, alors qu’ils jugent nettement insuffisante l’aide de 252 M$ annoncée par Ottawa le 5 mai.
Réunis à Longueuil (à deux mètres de distance), le surlendemain, le président général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau, le président de Sollio Groupe Coopératif, Ghislain Gervais, le président d’Agropur Coopérative, Roger Massicotte, le président-directeur général de l’Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière (AQINAC), Sébastien Lacroix, et la présidente-directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ), Sylvie Cloutier, ont tiré ensemble la sonnette d’alarme.
« Si les gouvernements estiment que la filière alimentaire est un service essentiel à la population, il faut être conséquent avec les entreprises qui assurent ce service et qui ont mis tous les efforts, tant au niveau humain qu’au niveau financier, pour acheminer les aliments de façon sécuritaire tout au long de la chaîne. Les programmes d’aide ne correspondent pas à la réalité et doivent être adaptés de façon urgente », a affirmé Roger Massicotte, le président d’Agropur Coopérative, qui transforme 50 % du lait produit au Québec.
Chez Olymel, les coûts supplémentaires liés à la crise se chiffrent aujourd’hui à plus de 20 M$, a souligné Ghislain Gervais, président de Sollio Groupe Coopératif, propriétaire de l’entreprise. Globalement, les dépenses sont estimées à 250 M$ pour le secteur de la transformation, a précisé Sylvie Cloutier, du CTAQ.
Les acteurs de la chaîne agroalimentaire ont interpellé les deux paliers de gouvernement afin d’obtenir un programme d’aide spécifique à cette crise, comme celui qui avait été déployé lors de la crise de la vache folle, de 2003 à 2005.
À titre comparatif, les producteurs américains, principaux compétiteurs sur les marchés nord-américains, ont reçu une aide directe du gouvernement de Donald Trump de 16 G$ le 17 avril.
Critique envers les programmes existants
Rappelons que la Fédération canadienne d’agriculture (FCA) a réclamé un fonds d’urgence de 2,6 G$ au gouvernement fédéral il y a deux semaines. Le premier ministre Justin Trudeau a accordé la semaine suivante un montant de 252 M$ au secteur agricole, auquel les producteurs auront accès par l’entremise des programmes de gestion de risque existants (voir encadré). La ministre fédérale de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau, a invité les producteurs à faire usage des 1,6 G$ disponibles via ces programmes et a précisé que le gouvernement pourrait combler le manque à gagner en cas de besoin, dans un second temps.
La présidente de la FCA, Mary Robinson, craint que d’utiliser les programmes existants avant de fournir des fonds supplémentaires fasse en sorte que le soutien arrivera trop tard pour réellement avoir un effet positif sur les fermes. De son côté, le président de l’UPA, Marcel Groleau, souligne qu’« Agri-Stabilité a versé 250 M$ au Canada l’an dernier; c’est loin du 1,6 G$ théoriquement disponible ».
Il ajoute qu’Agri-relance est un programme avec lequel il est difficile de travailler puisqu’il n’intervient qu’en dernier recours pour le producteur. Celui-ci doit donc faire la preuve qu’il a réclamé des fonds en vertu des autres programmes afin de pouvoir appliquer à Agri-relance. Cela nécessite, selon M. Groleau, du temps et de l’énergie que les producteurs n’ont pas en ce moment.