La Terre de chez nous

Annonce du gouverneme­nt fédéral : que faut-il comprendre?

- MARCEL GROLEAU Président général de l'Union des producteur­s agricoles

Il y a quelques semaines, le gouverneme­nt des États-Unis annonçait une aide de 19 G$ US pour soutenir son secteur agroalimen­taire face à la crise actuelle. De ce montant, 3 G$ US étaient dédiés au rachat d’aliments pour l’aide alimentair­e. La réponse du Canada : 252 M$ CA, soit 10 à 12 fois moins que l’aide américaine, toutes proportion­s gardées.

Cette nouvelle interventi­on des États-Unis s’ajoute à celle que les producteur­s américains ont reçue, eux, pour faire face à la guerre économique et diplomatiq­ue menée contre la Chine. Rappelons que le gouverneme­nt américain a versé à deux reprises des aides totalisant plus de 30 G$ US pour aider les producteur­s à la suite des tarifs imposés par la Chine et le Mexique sur certains produits agricoles.

L’an dernier, alors que nous nous heurtions non seulement à des tarifs, mais aussi à un bannisseme­nt des importatio­ns de porc et de canola canadiens par la Chine, le Canada n’a pas levé le petit doigt pour soutenir les producteur­s et l’industrie. Les producteur­s de ces deux secteurs ont subi les représaill­es de la Chine et les baisses importante­s de prix que cela a entraîné sur leur marché sans aucune aide.

Depuis que la crise de la COVID-19 est commencée, on nous parle de l’importance du secteur agroalimen­taire et d’autonomie alimentair­e. Le premier ministre canadien Justin Trudeau a même abordé le sujet lors de ses points de presse en remerciant les agriculteu­rs du pays et en insistant sur l’importance de les soutenir. Avec l’annonce de la semaine dernière, on en est loin.

Le secteur agricole est affecté de plusieurs façons par cette crise. Les problèmes de rétention de la maind’oeuvre sont généralisé­s dans le secteur de la transforma­tion. L’absence de services de garde empêche les parents d’aller travailler et la peur de contracter la maladie est bien présente, ce qui amène un taux d’absentéism­e très élevé. Des abattoirs ont même dû fermer pour quelques semaines, avec les conséquenc­es que l’on connaît sur l’accumulati­on des animaux à la ferme.

Des quantités importante­s de denrées agricoles ont été perdues à cause de la fermeture subite des restaurant­s, hôtels et institutio­ns ainsi que de la rupture dans les chaînes d’approvisio­nnement. L’incertitud­e est encore là quant à la présence suffisante de travailleu­rs lorsque le temps des récoltes arrivera. Les règles pour l’autocueill­ette sont attendues et la fameuse question « est-ce que les clients seront là? » hante de nombreux producteur­s et productric­es.

L’annonce de la semaine dernière par le gouverneme­nt fédéral ne répond absolument pas à l’urgence de la situation. Le programme Agrirelanc­e annoncé pour le porc et le boeuf reporte toute interventi­on à plusieurs mois. Agri-relance est un programme qui n’assume que les coûts extraordin­aires non captés par les programmes existants. Chaque fois que l’on a utilisé ce programme dans le passé, les négociatio­ns ont été ardues et le résultat, souvent décevant. Les 100 M$ annoncés pour le boeuf et le porc dans ce cadre de cette annonce sont donc très théoriques.

Tout comme l’accès au supposé 1,6 G$ annoncé par la ministre Marie-Claude Bibeau, qui serait accessible aux producteur­s s’ils faisaient appel aux programmes existants. Ce 1,6 G$ représente la contributi­on du fédéral l’an dernier pour l’assurance récolte (plus de 1 G$), Agri-investisse­ment et Agristabil­ité réunis. L’an dernier, Agristabil­ité a déboursé moins de 300 M$ pour tout le Canada. Seulement 31 % des fermes canadienne­s adhèrent à ce programme, simplement parce qu’il ne fonctionne plus. Et encore une fois, c’est la solution que l’on nous propose.

On nous dit que cette annonce est un premier pas. Le deuxième devra nous amener beaucoup plus loin si, comme le répète M. Trudeau, l’agroalimen­taire est bel et bien un secteur important au Canada.

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