La Terre de chez nous

La fertilisat­ion des grandes cultures avec des déchets

- NATHALIE KINNARD Agence Science-Presse

« Les restes de table, les rebus de jardinage et les boues d’épuration des eaux usées sont des déchets de valeur qui peuvent enrichir le sol des champs agricoles et remplacer une partie des engrais synthétiqu­es », soutient Joann Whalen, du départemen­t des sciences des ressources naturelles de l’Université McGill.

La chercheuse collabore avec l’Université de Waterloo, le ministère de l’Agricultur­e, des Pêcheries et de l’Alimentati­on du Québec (MAPAQ) et des partenaire­s industriel­s pour démontrer le potentiel fertilisan­t et écologique de ces matières résiduelle­s et les détourner des sites d’enfouissem­ent. Son projet est d’autant plus important que, dès cette année, en vertu de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelle­s, les municipali­tés n’auront plus le droit d’enfouir de la matière organique.

Une deuxième vie pour la matière organique

C’est ainsi qu’à Montréal, il y a un programme de compostage obligatoir­e. La Ville récupère la matière organique de la population pour la convertir en compost prêt à utiliser dans les jardins ou les champs. Une partie des résidus alimentair­es et des boues d’épuration est également envoyée dans une usine de biométhani­sation. Un réacteur digère alors la matière en l’absence d’oxygène pour produire du méthane qui est ensuite utilisé comme source d’énergie. Le sous-produit de cette fermentati­on, appelé digestat, est riche en potassium, en azote et en carbone, des éléments nutritifs essentiels aux plantes.

Sur des sites expériment­aux près de Waterloo et sur les terres du campus Macdonald de l’Université McGill,

Joann Whalen et son équipe comparent le pouvoir fertilisan­t du compost, du digestat issu de la biométhani­sation et des boues d’épuration traitées avec celui des engrais actuelleme­nt utilisés dans les champs agricoles. « Nous avons fait des analyses sur des cultures de maïs-grain et de soya, révèle l’agronome. Nous allons poursuivre avec le blé d’hiver cette année », indique-t-elle.

Selon les résultats préliminai­res, toutes les cultures, peu importe la matière fertilisan­te utilisée, ont très bien poussé. « Les rendements du compost, du digestat et des boues d’épuration se comparent à ceux des engrais synthétiqu­es, indique la chercheuse. Le digestat a toutefois une valeur ajoutée, soit de restocker du carbone dans le sol et d’émettre moins d’oxydes nitreux qui

participen­t à l’augmentati­on des gaz à effet de serre ». Elle signale d’ailleurs que les producteur­s qui séquestren­t du carbone dans le sol sont éligibles à recevoir des crédits compensato­ires en vertu du Système de plafonneme­nt et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre du Québec.

Les chercheurs sont présenteme­nt en discussion avec le MAPAQ pour produire un guide sur les matières fertilisan­tes disponible­s et les quantités à appliquer pour accroître la séquestrat­ion du carbone et ainsi réduire les émissions des gaz à effet de serre.

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Ces parcelles de semis de maïs-grain sont soumises à différents traitement­s fertilisan­ts sur le site expériment­al du Emile A. Lods Agronomic Research Centre, à Sainte-Anne-de-Bellevue.
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Joann Whalen

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