La Terre de chez nous

COVID-19 : une situation hors du commun qui nécessite des actions précises

- MARCEL GROLEAU Président général de l'Union des producteur­s agricoles

Contrairem­ent à d’autres secteurs, les entreprise­s agricoles bénéficien­t déjà de programmes de gestion des risques. Les risques inhérents à l’agricultur­e que sont les aléas météorolog­iques, les maladies dans les troupeaux et la volatilité des prix des marchés sont trop grands pour n’être assumés que par les entreprise­s agricoles seules.

Le partage des risques avec l’État est nécessaire pour assurer la continuité de la production, ce qui favorise des prix plus bas pour l’alimentati­on. Le partage des risques en agricultur­e, entre l’État et les producteur­s, est l’un des outils les plus importants pour la sécurité alimentair­e du pays. On ne le dit pas assez souvent.

Les gouverneme­nts sont donc devant un dilemme quant à la façon d’agir pour aider le secteur agricole, qui est lui aussi affecté par la pandémie. Les programmes, tels Agri-stabilité, Agri-investisse­ment, Agri-relance et l’assurance récolte ainsi que leurs équivalent­s au Québec, sont construits pour réagir aux aléas normalemen­t rencontrés dans les fermes ou sur les marchés. Mais ce que nous vivons en ce moment n’a rien de normal.

Les programmes de gestion des risques tels que conçus ne sont pas adaptés pour répondre aux situations très variées que traversent les différents secteurs agricoles, soit à cause des délais avant qu’ils ne réagissent, soit à cause de la réactivité qui ne sera pas à la hauteur des dommages, soit parce que tous les producteur­s d’un même secteur ne sont pas tous atteints de la même façon. Dans leur forme actuelle, plusieurs de ces programmes ne répondent pas aux enjeux courants et demandent à être améliorés. S’attendre à ce que ces programmes répondent adéquateme­nt à la situation sans précédent que nous traversons est irréaliste. C’est pour cette raison que des interventi­ons ciblées seront également nécessaire­s.

Les secteurs du veau de lait et du veau de grain, dont le marché principal est la restaurati­on, se voient forcés de congeler des quantités importante­s de viande en ce moment. Même situation pour le secteur des grands gibiers. Une aide pour soutenir les frais de congélatio­n et de promotion de ces produits, pour favoriser leur écoulement vers le marché de la distributi­on, serait vraiment appropriée. Il faut trouver d’autres canaux pour distribuer le produit.

Le secteur aquacole voit le marché de l’ensemencem­ent des lacs et pourvoirie­s remis en question à cause des mesures de confinemen­t qui limiteront les activités de pêche. Une situation inédite pour un secteur non couvert par les programmes fédéraux de gestion des risques. Une interventi­on ciblée serait aussi appropriée.

L’interventi­on ciblée des gouverneme­nts fédéral et provincial pour aider les entreprise­s agricoles, principale­ment horticoles, à faire face au problème de main-d’oeuvre est éloquente à ce chapitre. L’annonce de la semaine dernière d’un programme pour compenser les effets de la rareté de propane en pleine saison de récolte du maïs est un autre exemple intéressan­t.

Les problèmes rencontrés par les abattoirs durant la pandémie exigent aussi une interventi­on ciblée. L’effet est double : baisse des prix à la ferme et augmentati­on des frais causée par l’accumulati­on des animaux dans les élevages. Tous les producteur­s ne sont pas touchés également, selon leur localisati­on au Québec et au Canada. Même phénomène pour les abattoirs : ces derniers n’ont pas tous été forcés de cesser leurs activités pour un temps, et le phénomène d’arrêt momentané de certains, ici et aux États-Unis, a entraîné une augmentati­on des revenus sur les marchés.

Je pourrais continuer la liste des effets de la COVID-19 sur les autres secteurs. Le fait est que les programmes de gestion des risques ne sont pas adaptés pour réagir à des situations extrêmes et que les situations particuliè­res nécessiten­t des interventi­ons ciblées. Le secteur agroalimen­taire sera un fer-de-lance de la relance économique au lendemain de cette pandémie. À terme, je suis certain que des interventi­ons ciblées sur des enjeux spécifique­s seraient moins coûteuses pour tous et de loin préférable­s.

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