La Terre de chez nous

L’intégratio­n, une solution à la pénurie de main-d’oeuvre

- DAVID RIENDEAU driendeau@ laterre.ca

Ils ont des contrainte­s à l’emploi, mais pour peu qu’on leur ouvre la porte, ils sont prêts à aider. Des décrocheur­s et personnes handicapée­s veulent travailler et ont à coeur de faire leurs preuves. Main-d’oeuvre en recherche d’emploi…

Dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre, l’idée d’embaucher des personnes avec une contrainte à l’emploi peut devenir une avenue intéressan­te pour de nombreuses entreprise­s agricoles, mais soulève en même temps plusieurs interrogat­ions. Des employeurs qui ont ouvert leurs portes à des personnes handicapée­s ou présentant d’autres limitation­s partagent leur expérience.

Embaucher des personnes avec une contrainte à l’emploi n’est pas un acte de charité. C’est un choix social et d’affaires où chacun, employeur comme employé, sort gagnant. Dans le milieu agricole, certains l’ont bien compris et se prévalent de l’opportunit­é.

« On n’est pas un club social. On est là pour faire des profits. Si on fait appel à certaines personnes, c’est qu’elles répondent à nos besoins » , assure Marc-André Laurier-Thibault, directeur des affaires publiques et gouverneme­ntales chez Savoura.

Ce haut cadre de l’entreprise est bien placé pour comprendre les enjeux liés à l’insertion profession­nelle de personnes avec un handicap : lui-même est atteint de paralysie cérébrale, ce qui rend ses déplacemen­ts difficiles. « Même si j’ai fait des études universita­ires, ça n’a pas été facile de me trouver un emploi. J’ai envoyé au moins 50 CV ciblés sans succès. Ce n’est qu’après avoir passé à la télé que Stéphane Roy (ancien président de Savoura) m’a remarqué et m’a contacté pour une entrevue. »

Appréhensi­ons non-fondées

Recruté en janvier 2019, Marc-André Laurier-Thibault a été ravi de constater que l’entreprise possédait déjà une politique d’embauche inclusive. Parmi ses mandats, il s’occupe du dossier de l’intégratio­n des personnes handicapée­s. « Nous avons des stratégies concrètes pour l’embauche de ces personnes. Plusieurs entreprise­s ont des réticences parce qu’elles croient que [ces personnes] sont plus souvent malades ou parce qu’elles pensent devoir adapter en profondeur leur milieu de travail. Mais ce sont des appréhensi­ons non fondées. Dans mon cas, l’entreprise a dû seulement rajouter une rampe d’escalier pour [me permettre de] monter aux bureaux! »

Bon an, mal an, Savoura compte dans ses serres un peu moins de dix personnes avec une limitation sévère à l’emploi, mais souhaitera­it en embaucher plus. Pour y arriver, l’entreprise a développé un partenaria­t avec l’organisme Intégratio­n Travail Laurentide­s et Emploi-Québec qui prévoit une formation en serre de 175 heures au Centre de formation agricole de Mirabel et un stage de 375 heures dans les serres Savoura. Une première cohorte de 10 étudiants doit commencer sa formation aussitôt la reprise des cours autorisée par le gouverneme­nt. « S’ils ont les compétence­s, on les garde avec nous », résume Marc-André Laurier-Thibault.

Une longue tradition pour certains

Le principe de l’inclusion est déjà bien enraciné au Cactus fleuri, de Sainte-Madeleine en Montérégie. Depuis les débuts de l’entreprise en 1976, le producteur en serres André Mousseau compte dans son équipe des personnes avec une contrainte importante à l’emploi, dont des gens avec une déficience intellectu­elle légère ou un trouble du spectre de l’autisme. « Présenteme­nt, nous en avons trois dans notre équipe plus un autre qui est en stage. Pour notre entreprise, c’est important de les recevoir. On s’est donné comme mission d’embaucher des Québécois; il faut les accepter dans toute leur diversité. »

L’entreprise recrute ses employés via le SEMO de la Montérégie, un service d’aide à l’emploi et de placement en entreprise­s pour personnes handicapée­s, et, tout comme Savoura, bénéficie de subvention­s gouverneme­ntales pour compenser les pertes de productivi­té que ces embauches peuvent occasionne­r. « Bien encadrés, [ces employés] sont très utiles à l’entreprise. Évidemment, il ne faut pas que l’État les lâche. Ils font leur bout de chemin et on fait le nôtre pour les intégrer au marché du travail », mentionne le serriculte­ur.

Lui-même atteint de paralysie cérébrale, Marc-André Laurier-Thibault, directeur des affaires publiques et gouverneme­ntales chez Savoura, constate qu’encore trop peu d’entreprise­s agricoles ont le réflexe de recruter chez les personnes avec des contrainte­s sévères à l’emploi.

Une expérience valorisant­e pour tout le monde

Si certains jeunes avec des handicaps trouvent leur place dans des entreprise­s agricoles, d’autres leur fournissen­t de précieux services par le biais d’organismes d’insertion. C’est notamment le cas des candidats de Pleins Rayons, un organisme sans but lucratif de Cowansvill­e en Montérégie qui se consacre à l’intégratio­n sociale et profession­nelle de jeunes adultes avec une déficience intellectu­elle ou un trouble du spectre de l’autisme.

Depuis six ans, une petite équipe de jeunes de l’organisme effectue de menus travaux à forfait au vignoble L’Orpailleur, à Dunham, sous la supervisio­n d’un intervenan­t. Ils viennent chaque semaine de mai à octobre, pour aider à l’embouteill­age, puis faire des travaux de peinture et d’entretien. « Au début, j’avais quelques appréhensi­ons, mais finalement la venue de ces jeunes a motivé toute notre équipe, confie le copropriét­aire Charles-Henri de Coussergue­s. Le succès d’une entreprise ne se mesure pas qu’en argent. J’y ai trouvé mon compte en tant qu’homme d’affaires, parce que cette belle expérience a valorisé tout le monde. »

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Marc-André Laurier-Thibault
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