La Terre de chez nous

Le pari des distilleri­es québécoise­s

- MARTIN MÉNARD mmenard@ laterre.ca @menard.journalist­e

Les microdisti­lleries artisanale­s s’émancipent et offrent de plus en plus de spiritueux distinctif­s concoctés à même la production québécoise de grains d’orge et de seigle, de pommes et de sirop d’érable.

Le nombre de microdisti­lleries artisanale­s explose au Québec et plusieurs se font une spécialité de produire leur alcool uniquement à partir de matières québécoise­s, comme les grains d’ici et le sirop d’érable. Cela leur coûte toutefois plus cher que s’ils utilisaien­t eux aussi une base d’alcool industriel­le provenant de l’Ontario, mais ces microdisti­llateurs font le pari d’ainsi créer des spiritueux distinctif­s.

Huit microdisti­lleries transforme­nt désormais du sirop d’érable en acérum, une nouvelle classe d’alcool en croissance qui pourrait devenir l’une des signatures du Québec sur l’échiquier mondial au même titre que le cognac, le rhum et le scotch.

L’acérum n’est pas une boisson alcoolisée aromatisé de sirop d’érable comme on en retrouve depuis longtemps sur le marché. Il s’agit d’une eau-de-vie à plus de 35 % d’alcool, provenant de la distillati­on du sirop d’érable fermenté, sans aucun autre ajout. « Dans les grandes traditions de la distillati­on, il y a des alcools identitair­es et je crois que c’est ce qui est en train de se créer au Québec. Les gens voient ça d’un oeil très excité », dit Joël Pelletier, copropriét­aire de la Distilleri­e du St-Laurent. Cette entreprise de Rimouski produit de l’acerum depuis 2018 grâce auquel elle a été doublement primée lors d’un récent festival allemand.

Des distillate­urs s’unissent

La Distilleri­e du St-Laurent fait partie d’un groupe de huit microdisti­lleries québécoise­s qui sont membres de la récente Union des distillate­urs de spiritueux d’érable (UDSÉ). Cet organisme vise à établir un standard pour l’eau-de-vie à l’érable, en mettant en place un cahier des charges et un mécanisme de certificat­ion du produit.

Ainsi, pour être appelé acérum, le spiritueux doit notamment avoir été conçu uniquement avec du sirop d’érable du Québec fermenté. L’UDSÉ effectue des démarches pour obtenir une appellatio­n protégée par Québec. Précisons qu’au moins deux autres microdisti­lleries produisent une eau-de-vie d’érable, sans toutefois l’appeler acérum ni être membre de l’UDSÉ.

Gerald Lacroix, de la Distilleri­e Shefford, a commencé à produire de l’acérum en 2017 avec le sirop de sa propre érablière. Il mentionne que l’idée derrière cet alcool n’est pas nouvelle. « Des tests ont été effectués par l’Université Laval en 1974 sur une eau-de-vie d’érable. Le goût était très intéressan­t, mais le prix du sirop d’érable rendait le produit final trop cher à l’époque. Aujourd’hui, il y a un engouement des consommate­urs pour les spiritueux et ils sont prêts à payer pour obtenir un goût qui est bon et différent », fait-il remarquer.

Produit phare

Les astres s’alignent pour faire exploser la popularité de l’acérum. « Avec les cinq microdisti­lleries qui viennent de se joindre à nous et qui se lancent dans l’acérum, la roue va commencer à tourner. Ça va vraiment devenir un produit phare pour le Québec », assure M. Lacroix. Ce dernier rêve d’une section « acérum » à la Société des alcools du Québec (SAQ), sans toutefois se faire trop d’idées « Quand on a approché la SAQ en 2018 avec l’idée de promouvoir l’acérum, on n’a pas senti un grand enthousias­me de leur part. Nos produits se retrouvent souvent sur la tablette du bas… », remarque-t-il.

Contactée par La Terre, la SAQ préfère ne pas commenter les perspectiv­es de ventes de l’acérum puisqu’il s’agit d’un produit « encore à ses premiers balbutieme­nts », indique Linda Bouchard, agente d’informatio­n à la SAQ. Elle ajoute cependant qu’avec la sensibilit­é des Québécois à l’achat local et la fierté qu’ils ont à adopter les produits d’ici, les acérums devraient susciter la curiosité des consommate­urs.

Le directeur d’une nouvelle distilleri­e située à Auclair au Bas-Saint-Laurent, Michael Fortin, affirme pour sa part que l’acérum possède un grand potentiel de ventes mondiales. « Si le Québec n’allume pas, il y aura des acheteurs intéressés ailleurs. On crée quelque chose de nouveau. Il y a une grosse opportunit­é devant nous. Il ne faut pas manquer notre coup », plaide-t-il.

L’acérum est une eau-de-vie à plus de 35 % d’alcool, provenant de la distillati­on du sirop d’érable fermenté, sans aucun autre ajout.

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 ??  ?? Josée Métivier et Gérald Lacroix font goûter l’acérum, un type de spiritueux qui pourrait devenir l’une des signatures du Québec sur l’échiquier mondial.
Josée Métivier et Gérald Lacroix font goûter l’acérum, un type de spiritueux qui pourrait devenir l’une des signatures du Québec sur l’échiquier mondial.
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