La Terre de chez nous

Aide gouverneme­ntale en temps de pandémie

- MARCEL GROLEAU Président général de l'Union des producteur­s agricoles

Les gouverneme­nts ont annoncé une série de mesures depuis le début de la pandémie pour soutenir l’économie et aider les gens. Ce sont des centaines de milliards de dollars, seulement au Canada, qui ont été investis ou dépensés pour contrer les effets dévastateu­rs de cette crise sanitaire mondiale.

Parmi toutes ces dépenses, les investisse­ments en agricultur­e sont minimes. Les mesures d’aide destinées au secteur agricole se sont principale­ment résumées à des prêts supplément­aires et des reports de paiement d’intérêts ou de capitaux.

À ce titre, les correction­s apportées au Compte d’urgence pour les entreprise­s canadienne­s (prêt sans intérêt jusqu’à concurrenc­e de 40 000 $ remboursab­le avant 2023) est une très bonne nouvelle. Cela permettra aux entreprise­s agricoles enregistré­es en tant que sociétés en nom collectif (SENC) de s’en prévaloir. Ce sont généraleme­nt de plus petites entreprise­s qui ne versent pas ou peu de salaires. L’UPA demandait ces changement­s depuis l’annonce du programme. C’est donc positif.

Le programme pour soutenir les employeurs qui ont recours aux travailleu­rs étrangers temporaire­s (TET) est aussi une bonne interventi­on. Annoncée rapidement, l’aide de 1 500 $ par travailleu­r contribue à absorber les coûts de la période d’isolement à laquelle ces travailleu­rs sont soumis à leur arrivée au pays. Ce programme doit cependant demeurer simple d’applicatio­n.

Le programme québécois pour attirer les travailleu­rs locaux s’est ajouté en cours de route. Le démarrage a été lent en raison de l’incertitud­e quant à l’arrivée ou non des TET attendus. Les entreprise­s agricoles hésitent, mais avec la période intense des récoltes, espérons que ce programme aidera à combler en partie la pénurie de maind’oeuvre étrangère spécialisé­e.

Sur ce point, nous demandons toujours que les travailleu­rs mexicains venus au Canada en 2019 puissent obtenir leur permis de travail dès leur arrivée au pays, plutôt que par le ministère du Travail du Mexique. Cela facilitera­it grandement la situation. Il s’agit d’une mesure simple et peu coûteuse que le Canada pourrait appliquer dès maintenant.

Il s’agirait d’une mesure moins coûteuse et plus utile que l’investisse­ment de 9,2 M$ pour bonifier le Programme d’emploi et de compétence­s des jeunes (PECJ), permettant de financer 700 nouveaux emplois pour les jeunes dans le secteur agricole au Canada. Les demandeurs admissible­s à ce programme seront les producteur­s agricoles, les agroentrep­rises, les associatio­ns sectoriell­es, les gouverneme­nts provinciau­x et territoria­ux, les organisati­ons autochtone­s et les établissem­ents de recherche de partout au Canada.

Cette annonce ne corrige en rien la situation de l’emploi dans le secteur agricole. Le message est évidemment lancé pour donner l’impression à la population que le gouverneme­nt s’occupe des problèmes de main-d’oeuvre engendrés par le programme d’aide aux étudiants. À dire vrai, ce type d’annonce augmente la frustratio­n ressentie par les agriculteu­rs.

Le programme d’aide de 252 M$ du gouverneme­nt canadien est aussi une source de frustratio­n. De ce montant, 77,5 M$ sont dédiés à la transforma­tion alimentair­e. Le reste, c’est-à-dire 175 M$, est destiné au secteur agricole. De ce montant, 100 M$ est réservé au boeuf et au porc canadiens via le programme Agri-relance. Pour les initiés à ce type de programme, on comprend bien qu’il s’agit de montants théoriques, puisque qu’Agri-relance ne couvre que les pertes non admissible­s à Agri-Stabilité. On ne saura donc que dans plusieurs mois quelle partie de ce 100 M$ sera vraiment versée. Un autre montant de 50 M$ est destiné aux rachats de produits agricoles par les banques alimentair­es. Cette annonce fait fi des besoins de tous les autres secteurs agricoles, qui ont aussi été touchés durement par la crise.

L’aide gouverneme­ntale aux entreprise­s agricoles, plus particuliè­rement fédérale, ne permet ni prévisibil­ité ni résilience ni participat­ion active à la relance. D’autant plus qu’elles n’ont pas accès au Programme de subvention salariale d’urgence, décrit comme l’un des piliers de cette relance. Les seuls outils à leur dispositio­n sont les programmes de gestion des risques, qui s’avèrent inefficace­s en temps normal, et encore plus en période de crise.

À l’heure actuelle, l’essentiel de l’agricultur­e canadienne (63 G$ de revenus à la ferme) fonctionne sans filet de sécurité, faute de programmes adéquats. C’est à ce niveau que le gouverneme­nt fédéral doit intervenir pour assurer la pérennité du secteur agricole canadien et la sécurité alimentair­e de nos concitoyen­s.

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