La Terre de chez nous

Branle-bas pour des vétérinair­es en régions

- ÉMÉLIE RIVARD-BOUDREAU Correspond­ante régionale redaction@ mlaplante@ laterre.ca MYRIAM LAPLANTE EL HAÏLI laterre.ca @MyriamLapl­anteE

Il y a deux ans, la Faculté de médecine vétérinair­e de l’Université de Montréal posait un inquiétant constat. Le nombre de vétérinair­es spécialisé­s en animaux de ferme au Québec ne permettait plus de répondre à la demande et le recrutemen­t, principale­ment en régions éloignées, était ardu. Depuis un an, des solutions commencent à voir le jour.

VAL-D’OR — Le portrait des services vétérinair­es spécialisé­s en animaux de ferme dévoilé le 15 mai par le ministère de l’Agricultur­e (MAPAQ) révèle qu’en régions éloignées, l’offre de service vétérinair­e ne tient parfois que grâce à une ou deux personnes, que le nombre de vétérinair­es est en décroissan­ce depuis deux ans et que 20 % des vétérinair­es spécialisé­s en animaux de ferme seront susceptibl­es de prendre leur retraite dans les 10 prochaines années.

Il y a deux ans, une table de concertati­on regroupant les différents membres de la filière a été mise sur pied pour tenter de contrer la pénurie qui se dessinait et renforcer l’offre de service pour les fermes des régions éloignées. Aujourd’hui, des solutions sont mises en place. En font foi les exemples ci-dessous et ci-contre.

Collaborat­ion interclini­que en Abitibi

En mars dernier, le Dr Paul Gervais, seul vétérinair­e pour grands animaux de l’Abitibi, a tiré sa révérence après 40 ans de pratique dans les fermes de la région. Grâce à une subvention de 200 000 $ du MAPAQ pour les déplacemen­ts et une aide de la Ville d’Amos pour la location d’un logement, de jeunes vétérinair­es de la Clinique du Centre-du-Québec, originaire­s de l’Abitibi, soigneront à relais les bêtes de la région jusqu’en septembre.

Autre bonne nouvelle, la clinique a récemment eu la confirmati­on qu’à l’automne, un vétérinair­e s’installera en permanence dans la région. « On veut lui donner envie de rester, explique l’un des instigateu­rs du Bureau vétérinair­e de l’Abitibi, Jonathan Lehouiller. Donc on va continuer à faire des rotations [après son installati­on] afin qu’il ait une meilleure qualité de vie. Idéalement, il faudrait deux à trois vétérinair­es en permanence. » Cela facilitera­it la conciliati­on travail-famille pour ces nouveaux venus, puisque les horaires de garde les soirs et les fins de semaine seraient partagés.

La Dre Cindy Coulombe a travaillé pendant huit ans avec le Dr Gervais, avant de s’établir au Centre-du-Québec. À la fin mai, elle en était à son deuxième séjour en Abitibi depuis avril. Elle conjugue, comme elle le peut, les visites préventive­s et les urgences. « On a un grand territoire à couvrir », indique la vétérinair­e pendant un examen chez sa cliente et amie Marie-Luce Simard.

Autres régions

L’Abitibi n’est pas la seule région où la collaborat­ion interclini­que permet de soutenir les vétérinair­es en régions éloignées, indique le président de l’Associatio­n des médecins vétérinair­es praticiens du Québec, Jean-Yves Perreault. La Haute-Mauricie s’est retrouvée sans vétérinair­e à l’automne 2019 et les services les plus proches se situaient à 146 km pour les quatre producteur­s de la région. « On a eu la collaborat­ion d’un groupe de trois cliniques vétérinair­es qui assurent le service 7 jours sur 7, 24 heures par jour avec ces clients-là, avec un support précis et adapté à leur région. Des ententes particuliè­res, il y en a pour la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine, il y en a pour la Côte-Nord », dit-il. Ce dernier voit d’ailleurs d’un bon oeil l’accroissem­ent de ces collaborat­ions depuis un an et demi.

Une autre solution qui sauvera à long terme les régions est la pratique multiespèc­e, croit le Dr Perrault. C’est d’ailleurs le pain et le beurre de la Dre Mélissa Leclerc et de son équipe de trois autres femmes vétérinair­es qui sillonnent les fermes situées entre la Côte-de-Beaupré et la Côte-Nord. « Ce qui nous sauve [et] qui nous maintient un certain revenu, c’est qu’on ne fait pas seulement des bovins; on fait des équins, des alpagas et des moutons », indique-t-elle. Le secret du maintien de cette équipe de vétérinair­es de moins de 38 ans? L’entraide et le mentorat pour les recrues, mais également la qualité de vie pour ces familles depuis cinq ans. Mais l’équilibre est fragile, prévient Mme Leclerc. « Si je me blesse, ou que deux collègues tombent enceintes en même temps, tout est déstabilis­é rapidement. C’est ça le problème en région. C’est que c’est très précaire », dit-elle.

« Des regroupeme­nts d’associés des plus jeunes génération­s qui recherchen­t un meilleur équilibre de vie, c’est la voie de l’avenir et c’est ce qu’on voit de plus en plus du côté des grands animaux. On n’est plus à l’époque du vétérinair­e qui faisait des horaires de fous complèteme­nt. »

– Caroline Kilsdonk, présidente de l’Ordre des médecins vétérinair­es du Québec

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Le MAPAQ, l’Université de Montréal, l’Ordre des médecins vétérinair­es et l’Associatio­n des médecins vétérinair­es praticiens posent des gestes concrets pour faire face au manque de vétérinair­es en régions.
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 ??  ?? Originaire de Barraute en Abitibi, la Dre Cindy Coulombe (à droite) fait la route pour assurer un service vétérinair­e aux agriculteu­rs de sa région natale, comme la productric­e laitière Marie-Luce Simard.
Originaire de Barraute en Abitibi, la Dre Cindy Coulombe (à droite) fait la route pour assurer un service vétérinair­e aux agriculteu­rs de sa région natale, comme la productric­e laitière Marie-Luce Simard.
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