L’arrivée mouvementée d’un travailleur étranger
Antonio était attendu comme employé à la ferme laitière de David pour le début du mois d’avril. Les frontières de son pays étant fermées depuis plusieurs semaines, il ignorait s’il viendrait travailler au Québec. Un mois plus tard, il a reçu un appel de son agence lui annonçant son départ à bord d’un vol nolisé du Guatemala vers le Canada. Son arrivée a cependant été bien différente de ce à quoi il s’attendait.
Après le départ inattendu de son employé à temps plein, David s’est tourné vers la Fondation des entreprises en recrutement de la main-d’oeuvre agricole étrangère (FERME) pour avoir de la main-d’oeuvre étrangère dans son entreprise laitière. « J’ai envoyé des offres d’emploi et j’ai eu peu de réponses. Deux personnes m’ont appelé et une seule s’est pointée. Après deux jours, elle a abandonné. Le travail était trop dur pour elle », raconte le propriétaire de l’entreprise familiale. Il a rapidement entamé des démarches pour trouver un employé outre-mer afin de lui prêter main-forte.
Puis, à la mi-mars, le confinement a débuté. La COVID-19 a frappé tous les secteurs, dont celui de l’agriculture, laissant David dans l’incertitude la plus totale au sujet de l’arrivée de son TET (travailleur étranger temporaire). « Je l’attendais pour le 1er avril. Avec les frontières fermées, je ne savais pas trop s’il allait pouvoir venir au pays. Pendant ce temps-là, l’ouvrage continuait », précise l’agriculteur.
Lorsque David a obtenu la confirmation que son employé pourrait venir au pays, il lui a fallu beaucoup de débrouillardise et de résilience pour s’accommoder brusquement de toutes les contraintes de la quarantaine de ce dernier. « Au début, j’avais prévu qu’il allait vivre avec les employés d’une autre ferme au village voisin. Mais avec l’isolement obligatoire, j’ai dû me virer de bord assez vite », se souvient-il. Heureusement, il a trouvé un logement plus près de sa ferme. Une fois arrivé, Antonio a dû rester dans son appartement durant 14 jours sans sortir. La conjointe du producteur laitier, qui se débrouille bien en espagnol, allait prendre sa température et lui porter de la nourriture.
La vie en isolement
Antonio trouvait le temps long, loin de sa famille, dans son périmètre imposé. « C’est un peu surréel d’arriver dans un autre pays et de ne pas pouvoir commencer à travailler », rapporte le Guatémaltèque. L’homme qui a fait le choix de quitter les siens pour un emploi en agriculture souligne la bonté de la famille qui l’emploie : « J’ai été chanceux que la femme de mon patron parle ma langue. C’était rassurant. » Heureusement pour tous, Antonio n’a eu aucun symptôme physique de la maladie et a pu commencer son travail une fois la quarantaine complétée. Ce qu’il retient de ces deux semaines d’isolement? « J’ai pu prendre le temps de m’installer, de m’ennuyer et d’être encore plus motivé à commencer le travail », dit-il en souriant.
À présent, la vie a repris son cours. Le travailleur étranger apprivoise la vie au Québec et apprend chaque jour de nouvelles choses sur la façon de traire les vaches ou sur leur alimentation. Il apporte une aide essentielle à David et à son père, qui avaient dû mettre les bouchées doubles depuis septembre. « Enfin, on peut souffler… un peu », précise le producteur laitier.
Toutes celles et tous ceux qui, comme David, ont vécu un début de saison bien particulier avec l’arrivée de leur TET, ont encore une fois fait la preuve de la forte adaptation du milieu agricole. Pour Antonio, c’est une chance incroyable de travailler ici, et pour la famille de David, c’est une grande aventure qui peut enfin commencer.
« C’est un peu surréel d’arriver dans un autre pays et de ne pas pouvoir commencer à travailler. »