Maîtres chez eux
La récente pénurie de gaz propane due à la grève des cheminots et aux blocages des voies ferrées par les autochtones a révélé la dépendance des agriculteurs aux combustibles fossiles. Certains, tel Stéphane Parr, ont choisi de s’en affranchir.
Pour diminuer leur dépendance aux combustibles fossiles, un nombre croissant de fermes font le pari de produire leur propre énergie. Entre le désir d’une plus grande autonomie et celui de baisser leurs coûts de production, la route vers l’autosuffisance est parfois parsemée d’embûches.
Auparavant, le producteur de grandes cultures et de volailles Stéphane Parr se sentait à la merci du prix du propane. Grâce à la biomasse, il génère tellement de chaleur qu’il ne sait plus quoi en faire.
« Je suis allé vers la biomasse pour être indépendant et après cinq ans d’expérience, je peux vous dire que ce changement nous a ouvert des portes », affirme sans hésiter le copropriétaire des Entreprises Claudelaine à Bécancour.
En 2015, cette ferme familiale du Centre-duQuébec a converti son système de chauffage à la biomasse forestière résiduelle. Les deux chaudières du fabricant québécois Energia Tech, d’une puissance de 5,4 millions de BTU chacune, permettent de sécher 9000 tonnes de maïs et de chauffer quatre poulaillers, deux garages et trois maisons. « Même en vendant de la chaleur à la ferme voisine, il m’en reste », lance le producteur.
Cette conversion, qui a nécessité un investissement de 1,6 M$, dont la moitié provenant d’aide gouvernementale, a fait baisser ses coûts de production de façon significative. « Ça me coûtait autour de 250 000 $ annuellement en propane. Quand le prix a monté à 1 $/litre, je ne faisais pas une cent dans le poulet », raconte Stéphane Parr. Dorénavant, il débourse moins de 70 000 $ annuellement pour sa biomasse et cette facture est réduite de moitié grâce à la vente d’énergie à son voisin.
Se mettre à l’abri des fluctuations
Le même besoin d’indépendance anime Martin Raby qui se construit présentement un poulailler qui aura une capacité de 19 500 poulets à Adstock dans Chaudière-Appalaches. Le chauffage sera assuré par une chaudière à la biomasse forestière de Séquoia, également une entreprise québécoise. La pénurie de propane causée par les blocages ferroviaires de février a fini de le convaincre de choisir cette source d’énergie.
« Si la crise du propane cet hiver avait duré une ou deux semaines de plus, ça aurait été catastrophique pour les éleveurs. En tant qu’entrepreneur qui se lance en affaires, la sécurité de l’approvisionnement et la fluctuation des prix sont très importantes », confie-t-il.
Une dynamo pour les entreprises
La conversion du propane vers la biomasse après l’incendie de sa porcherie en 2018 a permis à l’entreprise Viandes biologiques de Charlevoix d’élargir ses horizons, explique son copropriétaire Damien Gérard. « En plus de fournir la porcherie, le séchoir à grains et la meunerie, la biomasse assure le chauffage et l’eau chaude de notre centre de formation. » Grâce à cette source d’énergie, la ferme de Saint-Urbain peut également opérer un séchoir à okara, un résidu de pressage des fèves de soya destiné à compléter l’alimentation des poulets et des porcs, réduisant encore plus ses coûts de production.
« Quand on a fait notre budget, on prévoyait un retour sur investissement en huit ans, mais avec les économies dégagées sur les protéines, on pourra rentabiliser en quatre ans », fait valoir le producteur qui déboursait de 150 000 $ à 200 000 $ par année en propane contre 30 000 $ pour la biomasse. « On est conforté dans notre choix tous les jours. »
Une ressource abondante
Les trois agriculteurs consultés par La Terre peuvent compter sur une ressource abondante et abordable. Stéphane Parr s’approvisionne en biomasse à l’écocentre de la municipalité voisine, Damien Girard reçoit les écorces d’un moulin situé à quelques kilomètres de sa ferme et Martin Raby puisera sa biomasse à même les résidus de coupe de la terre familiale. « Chaque année, je coupe quatre acres de bois que je vends au moulin. Le petit bois qui n’est pas rapporté par mon acheteur ne sert présentement à rien. Il alimentera ma fournaise », explique ce dernier.