La Terre de chez nous

De la ferme à la cimenterie

- DAVID RIENDEAU driendeau@ laterre.ca

Si la récupérati­on des plastiques agricoles a fait des progrès ces dernières années, certains produits comme les sacs d’ensilage peinent à trouver preneur. Faute de débouchés, plusieurs tonnes de plastique servent de combustibl­e pour une cimenterie ou finissent au site d’enfouissem­ent.

Depuis le 1er juillet, les agriculteu­rs de la MRC de BromeMissi­squoi en Montérégie peuvent porter leurs anciens sacs, bâches, filets et pellicules pour le foin et l’ensilage aux trois sites prévus à cet effet. Mais contrairem­ent aux contenants de pesticides et de fertilisan­ts qui sont recyclés pour entrer dans la fabricatio­n de nouveaux produits, ces plastiques sont plutôt destinés à alimenter la cimenterie CRH de Joliette.

Un moindre mal, expliquet-on. « On désirait répondre à une demande de nos agriculteu­rs, mais on ne voulait pas récupérer [ces plastiques] pour les enfouir. Pour l’instant, le choix de la valorisati­on énergétiqu­e à la cimenterie est la seule option viable. De cette façon, on sait qu’il ne se retrouvera pas dans les champs ou les cours d’eau », fait valoir la conseillèr­e en économie circulaire Marie-Pier Lussier.

La valorisati­on énergétiqu­e est une meilleure option que l’incinérati­on ou l’enfouissem­ent à la ferme, confirme Christine Lajeunesse, coordonnat­rice pour l’Est du Canada chez AgriRÉCUP. « La combustion de ces plastiques en cimenterie se fait à une températur­e très élevée et l’utilisatio­n d’un filtre permet d’en diminuer l’impact environnem­ental. »

Marché restreint

Les MRC se retrouvent devant un casse-tête depuis que la Chine – qui accueillai­t 70 % des importatio­ns totales de plastiques recyclés – a cessé l’achat des matières provenant des autres pays en 2018.

Jusqu’à ce que survienne la pandémie, la MRC de Coaticook en Estrie approvisio­nnait en plastiques agricoles un recycleur américain, l’un des rares qui acceptent ce type de plastique pour en faire du diesel. « La frontière est fermée et en attendant, les sacs d’ensilage s’accumulent rapidement. La prochaine collecte ira à la cimenterie de Joliette », déplore Monique Clément, coordonnat­rice de projet pour les matières résiduelle­s à la MRC de Coaticook.

Dans la MRC d’Arthabaska, au Centre-du-Québec, on éprouve les mêmes difficulté­s. « La valeur des plastiques souples est faible et c’est sans compter l’enjeu de la contaminat­ion, confie Francis Gauthier, directeur de projets chez Gesterra, l’entreprise responsabl­e de la gestion de ces matières. Présenteme­nt, les plastiques s’accumulent chez nous et notre seule option est l’enfouissem­ent. »

AuQuébec,seulModix Plastique à Lachute dans les Laurentide­s accepte certains plastiques souples d’usage agricole qu’il recycle pour en faire de la résine prête à être réintrodui­te dans la boucle de production. Sa directrice exécutive Lucie Ying Li affirme toutefois que l’entreprise se bute à certains défis. « D’un côté, nous éprouvons des difficulté­s à trouver des plastiques de haute qualité et de l’autre, les producteur­s ne sont pas intéressés à utiliser des matières recyclées dans leur production. S’il y avait un marché pour notre résine, nous serions capables de reprendre toutes les pellicules d’usage agricole du Québec. »

De l’espoir malgré tout

Malgré l’état des choses, Christine Lajeunesse d’AgriRÉCUP ne perd pas espoir. « Les producteur­s européens doivent désormais utiliser un certain pourcentag­e de matière recyclée dans leurs produits et ici, deux recycleurs qui sont déjà en opération pourraient accepter des plastiques dans un avenir rapproché. La situation pourrait s’améliorer sous peu. »

 ??  ?? Même si plusieurs MRC récupèrent certaines catégories de plastiques, comme les pellicules servant à protéger le foin et l’ensilage, ceux-ci prennent souvent le chemin de la cimenterie, faute de débouchés auprès des recycleurs.
Même si plusieurs MRC récupèrent certaines catégories de plastiques, comme les pellicules servant à protéger le foin et l’ensilage, ceux-ci prennent souvent le chemin de la cimenterie, faute de débouchés auprès des recycleurs.
 ??  ?? Christine Lajeunesse
Christine Lajeunesse

Newspapers in French

Newspapers from Canada