Autosuffisance alimentaire : une utopie ?
Bien qu’elle ne soit pas la seule, la production de légumes en serre est une variable importante de la quête d’autosuffisance alimentaire du Québec. La récente annonce d’un tarif préférentiel d’électricité pour les serriculteurs ravive l’espoir de s’en rapprocher.
L’accès à de meilleurs tarifs électriques d’éclairage et de chauffage réjouit les producteurs de la province, qui les réclamaient depuis 17 ans. L’incitatif annoncé conjointement par le gouvernement Legault et Hydro-Québec accélérera le développement du secteur tout en aidant la province à se rapprocher de son objectif d’autonomie alimentaire.
Le gouvernement Legault et HydroQuébec ont annoncé le 10 juillet un tarif préférentiel d’électricité de 5,59 ¢/kWh accessible à près de 1 000 producteurs en serre de petite, moyenne et grande taille, tant pour l’éclairage de photosynthèse que pour le chauffage de leurs installations. Ce tarif spécial attendu depuis 17 ans marque la relance de projets d’expansion mis de côté par les producteurs.
Le tarif de 10 ¢/kWh payé en moyenne par les producteurs aujourd’hui baissera ainsi de 40 %. Petites, moyennes et grosses entreprises utilisant un minimum de 50 kW d’électricité pour l’éclairage de photosynthèse et le chauffage pourront en bénéficier. Actuellement, seuls les gros producteurs utilisant plus de 300kW bénéficient d’un tarif avantageux. Avant d’entrer en vigueur, ce nouveau tarif devra toutefois être approuvé par la Régie de l’Énergie, mais Hydro-Québec est confiante et souhaite que les producteurs puissent s’en prévaloir dès l’hiver 2021.
Le président des Producteurs en serre du Québec (PSQ), André Mousseau, milite pour une réduction de ce tarif depuis 17 ans. Selon lui, avec une telle annonce, une centaine de serriculteurs envisagent des projets d’agrandissement dès cette année.
Jacques Pouliot, des Serres Lamarche à Compton en Estrie, estime que le nouveau tarif permettra d’accroître sa période de production de tomates et de laitue à douze mois par année, en ajoutant un système d’éclairage artificiel dans ses serres. « Nos clients n’attendent que ça », dit-il. Bien qu’il chauffe ses installations à la biomasse, il estime les besoins électriques de son projet d’éclairage à 70 kW. « Je suis loin du 300 kW [auparavant nécessaire pour obtenir le tarif préférentiel]», affirme ce dernier.
Avec des équipements utilisant 110 kW d’électricité, le producteur de légumes biologiques Frédéric JobinLawler, également de Compton en Estrie, ne parvenait pas non plus à se qualifier pour le tarif spécial. Il pourra maintenant agrandir ses installations et moderniser son système de chauffage à la géothermie, qu’il estime déficient.
Autres mesures attendues
Le directeur général des PSQ, Claude Laniel, indique que le tarif de 5,59 ¢ kWh est équitable pour les producteurs, mais insuffisant à lui seul pour atteindre l’objectif de doubler la valeur de la production en serre. Il ajoute que d’autres mesures gouvernementales sont attendues, notamment une aide à l’investissement et à la modernisation des serres ainsi qu’un programme de soutien à la conversion et à l’utilisation de l’électricité comme source d’énergie propre.
Tous les producteurs joints par La Terre s’entendent pour dire que ces tarifs ne pourront être utilisés pleinement tant que le réseau d’électricité commercial approvisionné par trois fils, le triphasé, ne sera pas accessible à un maximum de serres. Une somme de 15 M$ avait été annoncée dans le budget provincial de mars 2020. Les détails devraient être connus à l’automne.