Le rêve d’un Québec autosuffisant
S’il juge utopique que le Québec puisse un jour devenir complètement autosuffisant sur le plan alimentaire, l’ancien doyen de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation (FSAA) de l’Université Laval Jean-Claude Dufour croit à la possibilité de passer d’une autonomie de 50 % à 70 % d’ici 2025, considérant que cette proportion a déjà évolué de 2 % par an au cours des dix dernières années, calcule-t-il.
Toutefois, pour que l’ascension se poursuive, il faudra trouver des façons d’inciter le consommateur à choisir les produits du Québec. « L’augmentation de la production en serre, c’est bien beau. Mais quand on augmente l’approvisionnement local, on n’augmente pas automatiquement l’autosuffisance. Il faut que le consommateur suive », fait remarquer M. Dufour.
Le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau, souligne qu’il faudra inciter le consommateur à se procurer des fruits et légumes qui peuvent être produits en serre l’hiver pour augmenter le taux d’autosuffisance. « Il faudrait que les Québécois prennent l’habitude de ne plus manger des fraises en janvier, car on n’en produit pas. Pourquoi ne pas les inciter à manger des bleuets sauvages à cette période plutôt? C’est une habitude qui n’est pas développée. On pourrait aussi diffuser des émissions de cuisine avec des chefs qui suggèrent des produits de chez nous à consommer hors saison », propose-t-il.
Un directeur régional retraité du ministère québécois de l’Agriculture en Mauricie, Norman Houle, croit quant à lui que la vague d’achat local en période de COVID-19 peut marquer le début d’un réel virage dans les habitudes de consommation au Québec. « Il faut continuer de surfer là-dessus et continuer de faire des campagnes publicitaires pour stimuler l’achat local », affirme M. Houle.
Collaboration de tous les maillons
Jean-Claude Dufour estime que le gouvernement a un rôle à jouer pour créer une réelle collaboration entre les différents maillons de la chaîne d’approvisionnement. « Il faut que tout le monde y mette du sien. Ça prend par exemple une collaboration des détaillants alimentaires pour que les produits du Québec soient bien placés sur les tablettes et bien identifiés », note-t-il, soutenant par ailleurs que les prix des aliments locaux doivent être compétitifs par rapport à ceux des produits importés. L’expert note également l’importance de capitaliser sur les aliments biologiques, une force au Québec, selon lui, qui est sous exploitée. « Les consommateurs se préoccupent de plus en plus de l’environnement et de la sécurité alimentaire. Proposer plus de produits bio, c’est se différencier de nos compétiteurs. »