La Terre de chez nous

Deux histoires de peur à la ferme

- HÉLEN BOURGOIN, T.E.S. Travailleu­se de rang dans le Centre-du-Québec

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Qui n’a jamais eu peur? Peur de mourir, de blesser l’autre (ou d’être blessé soi-même), peur de ne pas avoir de relève pour son entreprise, de ne pas se remettre d’une séparation ou même de perdre sa ferme. La peur est une émotion normale, mais trop souvent méconnue. Quelle est la place de la peur à la ferme et comment la contrôler? Voici deux exemples d’agriculteu­rs qui ont réussi à surmonter leurs craintes pour aller de l’avant.

À la suite d’une séparation avec sa femme des 15 dernières années, Jacques craignait de se retrouver seul : « Qui voudra de moi avec ma porcherie et mes trois enfants? » Le départ de sa conjointe l’a surpris et il ne l’a pas vu venir. Il a bien essayé de la convaincre de rester avec lui, mais sans succès. Lorsqu’il s’est retrouvé seul dans sa grande maison, la peur l’a pris au ventre. « J’étais seul avec ma solitude et mon ouvrage. Je me sentais terribleme­nt abandonné! » Ce qui l’a aidé a sans aucun doute été le travail, mais surtout ses jeunes, car il voulait être un bon père. Il a donc affronté sa peur de l’abandon et il s’est repris en main. Il a commencé à s’impliquer davantage dans les activités agricoles et à voir plus souvent sa gang de gars. Il a réussi à apprivoise­r sa peur au fil du temps.

Steeve, lui, est un jeune aspirant à la relève. À sa sortie de l’école d’agricultur­e, il était persuadé qu’il ne trouverait jamais un cédant pour l’appuyer dans son projet de ferme maraîchère. Il avait peur de demander de l’aide et surtout, il craignait le jugement des autres. Comme l’aspect financier lui semblait un obstacle insurmonta­ble, Steeve s’est décidé à contacter le service L’Arterre. Avec l’agente de maillage, il a pu nommer ses peurs et ses motivation­s à travailler en agricultur­e. Leur discussion lui a enlevé un poids sur les épaules et a permis à l’intervenan­te de mieux l’orienter. Steeve a appris à voir le côté positif de ses craintes et à les contrôler. Il a réalisé qu’avant, il laissait la peur l’envahir, ce qui l’empêchait souvent de mettre en pratique ses bonnes idées. C’est ainsi qu’il a enfin pu avancer dans son projet en trouvant un producteur maraîcher qui acceptait de lui faire confiance et de le prendre comme relève.

Se donner le droit d’avoir peur

La peur est une réaction irrationne­lle. On ne peut pas l’empêcher de survenir, mais on peut apprendre à l’apprivoise­r ainsi qu’à bien s’en servir. C’est ce qui est arrivé avec Jacques et Steeve. Lorsqu’ils ont compris leur peur et lui ont donné un sens, ils ont pu faire un changement dans leur vie et se sentir mieux. Il existe de nombreux facteurs d’inquiétude en agricultur­e : l’endettemen­t, la météo, les accidents, l’isolement, etc. Pour un agriculteu­r, accepter sa peur permet de cheminer sur le plan personnel. Se donner le droit d’avoir peur est loin d’être évident lorsqu’on est un entreprene­ur et pourtant, c’est grâce à cette peur qu’on peut réaliser de grandes choses.

Peu importe la peur qu’on ressent, il est possible d’apprendre de celle-ci et d’en tirer du positif. Cela peut parfois prendre quelque temps avant de réaliser qu’elle nous a été utile. Au final, les deux hommes ont vu leur parcours de vie prendre un tour favorable. Jacques n’est pas en couple, mais il apprécie les moments de contrôle et de calme qu’il vit dorénavant. Steeve, quant à lui, est en train de réaliser un transfert non apparenté.

Lorsque la femme de Jacques est partie et qu’il s’est retrouvé seul dans sa grande maison, la peur l’a pris au ventre : « J’étais seul avec ma solitude et mon ouvrage. Je me sentais terribleme­nt abandonné! »

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