La Terre de chez nous

Zones inondables sous la loupe

- DAVID RIENDEAU driendeau@ laterre.ca

Est-ce la fin de l’agricultur­e dans les zones inondables 0-2 ans ? La Terre a appris que des fonctionna­ires du ministère de l’Environnem­ent ont récemment bloqué les projets d’expansion d’une dizaine de fermes. Le motif évoqué : une partie de leur terre sous culture se trouve à l’intérieur du lit d’un cours d’eau.

Selon nos informatio­ns, le projet d’augmentati­on de capacité animale de plusieurs producteur­s de ChaudièreA­ppalaches, du Centre-du-Québec et de Montérégie a été placé sous la condition de retrancher de leur superficie cultivable les terres se trouvant à l’intérieur du littoral, qui correspond à la zone inondable 0-2 ans d’un cours d’eau.

En vertu du Règlement sur les exploitati­ons agricoles (REA), il est interdit d’épandre des matières fertilisan­tes dans un cours d’eau ou un plan d’eau ainsi qu’à l’intérieur de la bande riveraine. La Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, adoptée en 2005, interdit par ailleurs tous types de constructi­ons, d’ouvrages et de travaux à l’intérieur du littoral. Jusqu’à présent, les Directions régionales du ministère de l’Environnem­ent faisaient preuve de tolérance quant aux cultures qui se trouvaient à l’intérieur de ces zones.

Or, ces derniers mois, certains producteur­s ont vu leur demande de certificat­ion d’autorisati­on être refusée en évoquant ces interdicti­ons. Deux d’entre eux se trouvent à SaintJosep­h-des-Érables, dans la vallée de la Chaudière. Bien au fait du dossier, le maire de la municipali­té, Jeannot Roy, craint que cette décision annonce le début de la fin pour l’agricultur­e dans la zone 0-2 ans. « L’applicatio­n stricte de cette politique représente­rait une perte de 438 hectares sous culture dans notre municipali­té. Ça impacterai­t 90% de nos agriculteu­rs et quelques entreprise­s pourraient être en péril », signale-t-il. À noter que les deux agriculteu­rs en question ont décliné notre demande d’entrevue.

Jeannot Roy, qui est également agriculteu­r, déplore l’intransige­ance de la Direction régionale du ministère de l’Environnem­ent dans ChaudièreA­ppalaches. « C’est une vraie épée de Damoclès. Si on nous empêche de cultiver ces 438 hectares, va-t-on nous permettre d’avoir des parcelles ailleurs? Faudra-t-il déboiser quelque part? Au final, le bilan environnem­ental serait négatif. »

10 000 hectares à l’échelle du Québec

Interpellé­e dans ce dossier, l’UPA évalue à 10 000 hectares la superficie des terres sous culture au Québec qui serait affectée par une applicatio­n stricte de cette politique. « Si le gouverneme­nt ne reconnaît pas ces terres-là pour l’agricultur­e, ça revient à une expropriat­ion déguisée », plaide Martin Caron.

Le deuxième président de l’UPA soutient qu’une cohabitati­on est possible, citant pour exemple le Pôle d’expertise multidisci­plinaire en gestion durable du littoral du lac Saint-Pierre, une démarche financée par Québec où plusieurs aménagemen­ts sont réalisés pour protéger les habitats fauniques en milieu agricole. « Les producteur­s sont rendus là, ils embarquent dans ce type de projets, mais ils ont besoin d’être appuyés parce que cette adaptation représente des coûts additionne­ls. »

Réponse du ministère

Questionné sur le sujet, le ministère de l’Environnem­ent a donné à entendre qu’il révisait actuelleme­nt la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables. « Les pratiques agricoles dans les grands littoraux et les littoraux endigués à cette fin seront prises en considérat­ion dans le cadre de cette révision. Dans l’intervalle, le ministère travaille actuelleme­nt à définir une approche qui prévaudra notamment lors des demandes d’autorisati­on pour l’augmentati­on de la production de phosphore », a répondu son porte-parole, Frédéric Poulin.

Dans sa réponse, le ministère établit par ailleurs une distinctio­n entre les littoraux compris dans les bandes riveraines de 3 mètres et les « grands littoraux » qui s’étendent parfois sur plus de 1 kilomètre comme en périphérie du lac Saint-Pierre. « Actuelleme­nt, la volonté du gouverneme­nt n’est pas de permettre la culture dans tous les littoraux. Il pourrait y avoir certaines formes de cultures dans les grands littoraux, mais avec un encadremen­t rigoureux afin de ne pas dégrader davantage la qualité des eaux de surface du Québec. »

Le ministère de l’Environnem­ent prévoit dévoiler sa nouvelle politique d’ici 2021.

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Dans la vallée de la Chaudière, au moins quatre producteur­s ont vu leur projet d’expansion bloqué parce qu’ils cultivent des parcelles à l’intérieur d’une zone inondable 0-2 ans.
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Jeannot Roy
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Martin Caron
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