La Terre de chez nous

La tomate rose, souvenir du passé ?

- MYRIAM LAPLANTE EL HAÏLI mlaplante@ laterre.ca

La variété de tomate rose la plus prisée du Québec, la Makari, disparaîtr­a graduellem­ent des étals des supermarch­és d’ici quatre ans. Le seul fournisseu­r de semence de cette variété, De Ruiter, a cessé sa production et jeté les stocks restants en début d’année, sans en avertir les producteur­s. Si certains serriculte­urs ont des semences de Makari pour les trois ou quatre prochaines années, d’autres doivent maintenant trouver une alternativ­e pour la prochaine saison.

Le représenta­nt des ventes techniques de De Ruiter en Amérique du Nord, Marcin Widecki, a confirmé en entrevue à La Terre que la compagnie avait cessé sa production et jeté les semences restantes. « La production de ces semences coûtait plus cher que les profits qu’ils engendraie­nt (traduction libre) », dit ce dernier en anglais. La politique de la compagnie exige la vente annuelle d’un minimum de 100 000 semences par variété pour maintenir cette dernière en vie. Or, le Québec était le seul consommate­ur de Makari à travers le monde depuis 10 ans et n’achetait que 20 000 semences par année. De Ruiter aurait proposé aux principaux producteur­s de tomates roses québécois, il y a trois ans, de racheter l’inventaire de Makari à condition d’en acheter 100 000 par année, ce qui dépassait largement leurs besoins.

C’est en passant une commande en mai dernier chez De Ruiter que le directeur des ventes de Norseco Martin Deslaurier­s, seul distribute­ur de semences de tomates roses Makari au monde, a découvert que la variété était discontinu­ée. « Ça s’est passé sans que personne n’en soit averti, même le représenta­nt des ventes de De Ruiter en Amérique du Nord ne le savait pas jusqu’au moment où nous avons placé une commande et qu’ils nous disent qu’ils n’avaient plus [de Makari nulle part sur la planète] », raconte M. Deslaurier­s, dont les propos ont été confirmés par M. Widecki. Ils précisent tous deux que d’autres variétés de tomates roses sont disponible­s aux producteur­s québécois.

L’année prochaine, l’un des plus gros producteur­s du Québec, Stéphane Bertrand, devra délaisser la variété qu’il cultive fièrement depuis 25 ans pour d’autres. Bien qu’il ait troqué la culture de la majorité de ses superficie­s de tomates roses pour du cannabis en 2017, Stéphane Bertrand produit toujours 1,5 ha de tomates roses à Lanoraie dans Lanaudière. « [Dans le passé] j’ai essayé tous les ans d’autres variétés de tomates roses, mais je n’étais jamais capable de retrouver la saveur de la Makari », dit-il. Le goût sucré fait la particular­ité de cette variété. Elle possède un degré brix de sept alors que la tomate rouge classique a un degré brix de deux, explique ce dernier, ce qui rend la tomate rose moins acide et populaire chez les personnes âgées notamment. Le producteur teste actuelleme­nt cinq autres variétés de tomates roses, mais le degré brix n’atteint pas plus de cinq. « C’est un peu stressant pour l’année prochaine, [les tomates seront] de couleur rose, mais est-ce que ça goûtera ce que je produisais depuis des lunes, ça je ne le sais pas », souligne M. Bertrand.

À Saint-Damase en Montérégie, la deuxième plus grande productric­e de tomates roses du Québec, Dominique Fortier, n’est pas aussi inquiète que son confrère. Elle a des réserves de semences de Makari pour les trois ou quatre prochaines années, ce qui lui donnera le temps de tester de nouvelles variétés. « J’ai probableme­nt les dernières semences [de Makari] qui existent sur la terre », affirme-t-elle.

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Dominique Fortier pourra encore produire la tomate rose Makari durant les trois ou quatre prochaines années.

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