La Terre de chez nous

Des éleveurs de grands gibiers contraints d’abandonner

- PIERRE SAINT-YVES Correspond­ant régional redaction@ laterre.ca

La pandémie fait de nouvelles victimes parmi les entreprise­s agrotouris­tiques, cette fois chez les éleveurs de bisons. En Mauricie, la ferme La Bisonnière, en activité depuis 30 ans, cesse ses opérations, les créanciers ayant résolu de rappeler leur prêt. Lucie Fournier et Kevin Ten Have, les jeunes propriétai­res de l’entreprise depuis 2017, s’apprêtent donc à vendre le troupeau de 125 bêtes et se préparent… à déménager avec leurs quatre filles. « On a tout fait pour essayer de passer au travers, mais il faut se rendre à l’évidence qu’il n’y a pas d’issue », affirme Lucie Fournier.

« Le constat n’est pas difficile à faire, ajoute-t-elle. Notre entreprise vit du tourisme étranger, principale­ment du tourisme européen puisqu’on reçoit surtout des Français et des Italiens, et ils ne sont pas près de revenir. »

« La Bisonnière, c’était un modèle, c’est vraiment dramatique pour notre milieu », déplore Josée Toupin, copropriét­aire de la ferme La terre des bisons de Rawdon et présidente de la Fédération des éleveurs de grands gibiers.

D’autant plus que le cas de La Bisonnière n’est pas unique. Sans pouvoir confirmer lesquels, la présidente dit savoir que d’autres éleveurs de bisons sont en sérieuse difficulté et s’apprêtent à abandonner.

La Fédération compte environ 200 membres : des éleveurs de bisons, de sangliers, de wapitis et de cerfs rouges. Selon la présidente, c’est sans doute au moment du renouvelle­ment des cartes de membre que l’organisati­on obtiendra un portrait de l’ampleur des pertes. « Je reste confiante qu’on va s’en sortir… mais ce n’est pas facile », affirme Josée Toupin, dont le troupeau de bisons compte environ 130 têtes en plus d’une quinzaine de wapitis.

Le défi de la mise en marché

La présidente rappelle que les éleveurs de grands gibiers doivent composer avec des coûts de production beaucoup plus élevés que ceux des autres spécialité­s et que la mise en marché reste un défi constant.

À La Terre des bisons, 80 % de la viande est écoulée à la ferme, le reste chez les restaurate­urs. Au cours des derniers mois, les ventes de l’entreprise ont été impactées par la fermeture des restaurant­s et la suspension des visites à la ferme. Les propriétai­res ont alors développé la vente en ligne et offert la livraison.

« Il a fallu se réinventer, raconte Josée Toupin, qui précise qu’elle doit vendre à perte. Il faut reconnaîtr­e que les campagnes de promotion d’achat local ont été d’un grand secours. On se rend compte que les gens veulent acheter local. » L’éleveuse de Rawdon garde donc espoir, d’autant plus que l’affluence à la ferme au cours des derniers week-ends lui semble prometteus­e.

Reste que la disparitio­n de fermes d’élevage lui apparaît dramatique : « C’est la diversité de notre agricultur­e qui est compromise. Il ne faut pas oublier que plusieurs de ces entreprise­s ont été bâties sur des fermes qui étaient abandonnée­s. »

Josée Toupin sait de quoi elle parle. La Terre des bisons a vu le jour il y a 26 ans sur une ferme qui était laissée à l’abandon depuis… 19 ans.

Josée Toupin, présidente de la Fédération des éleveurs de grands gibiers et copropriét­aire de La terre des bisons à Rawdon, a vu ses ventes plombées par la fermeture des restaurant­s et la suspension des visites à la ferme.

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Josée Toupin.
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