Les dangers à la ferme signalés par des agriculteurs
De nombreux agriculteurs profitent aujourd’hui de la tribune offerte par les médias sociaux pour sensibiliser leurs pairs aux risques d’accidents à la ferme. Ce bon vieux réflexe de témoigner de son expérience, qui existait bien avant Internet, se révèle être un outil extrêmement efficace en matière de sensibilisation, au grand bonheur des préventionnistes et des producteurs agricoles. Mais le jeu comporte aussi ses risques.
La photo d’un gaz jaunâtre sortant d’un silo à grains, avec la mention « On reste prudent » a suscité une centaine de commentaires lorsqu’elle a été publiée par l’agriculteur David Leduc dans le groupe Facebook Vaches laitières en surplus, le 28 septembre. Une autre montrant un début d’incendie évité grâce à un système de surveillance des circuits électriques a soulevé les passions le 23 septembre sur le compte Facebook personnel du producteur laitier Karl Faucher (voir autre texte en p.5). Ces exemples illustrent bien ce phénomène de sensibilisation entre pairs, qui gagne en ampleur depuis la création de groupes spécialisés sur Facebook permettant aux producteurs agricoles de tous horizons de discuter entre eux des aléas de leur métier.
Ce mode d’entraide serait-il devenu le complément par excellence des campagnes de sensibilisation traditionnelles? « Assurément, réagit Isabelle Sauriol, agente de recherche et d’information au Service de santé et de sécurité au travail de l’Union des producteurs agricoles (UPA). C’est même très efficace! Je dirais même que c’est tellement plus crédible auprès des producteurs. […] Quand le beau-frère prend le micro pour témoigner de son expérience, l’impact est immédiat!»
Michelle Blanc, spécialiste en marketing Internet et auteure d’un livre sur les médias sociaux, abonde dans le même sens. « C’est un trait psychologique qui date de bien avant Internet. Quand vient le temps d’acheter une voiture par exemple, qui croit-on? Le journaliste automobile? Le vendeur? Non, c’est l’opinion du beaufrère qui va faire pencher la balance. C’est le lien de confiance qui change tout. »
C’est arrivé pour vrai
Cette hypothèse se confirme lorsqu’on questionne les agriculteurs qui consultent et commentent les publications Facebook portant sur la prévention. François Forest, producteur laitier de L’Assomption, dans Lanaudière, est l’un d’eux. « Quand on lit le témoignage de quelqu’un, c’est plus frappant, confie-t-il. Ce n’est pas juste quelqu’un qui nous le dit. C’est arrivé pour vrai, alors ça marque! »
Pour la même raison, David Leduc et sa soeur Karine, copropriétaires d’une ferme laitière à Beauharnois, en Montérégie, tenaient à montrer sur Facebook la photo du gaz qui s’échappait de leur silo à grains. « Je trouvais ça assez intense de voir sortir ça [le gaz]», dit le producteur. « Les gens qui passaient nous demandaient si c’était normal », renchérit Karine Leduc.
Sur le groupe Facebook Machinerie 2.0, Patrick Racine a publié une photo de lui le 29 octobre, portant une ceinture de sécurité dans son tracteur. C’est un accident survenu quelques semaines plus tôt qui l’a incité à prendre cette nouvelle habitude en transportant son maïs, explique-t-il.
Cette possibilité de partager ses expériences et de faire de la prévention entre pairs s’inscrit dans ce que le Web a de meilleur à offrir, selon Michelle Blanc. « C’est vrai pour les agriculteurs, mais aussi pour tous les autres groupes spécialisés. Ces plateformes permettent une mise en commun d’informations qui étaient avant limitées à un entourage plus restreint. Mais il faut faire attention, car il y a aussi des risques de dérapage, comm comme de la désinformation ou des commenta commentaires déplacés », prévient la spécialiste.
Un bon complément
La hausse des accidents depuis 2015 (voir autre texte en p.5) montre qu’il est difficile dans les campagnes de prévention d’atteindre tout le monde. Dans ce contexte, tous les moyens sont utiles, estime Julie Fournier, responsable des communications à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). « La prévention entre pairs est effectivement un bon complément à nos campagnes, parce que dans tout milieu de travail, il est important d’identifier, de corriger et de contrôler les dangers. Et comme le métier d’agriculteur en est un qui est souvent pratiqué en solitaire, ce genre d’initiative ne peut qu’être bénéfique », indique-t-elle.
Mme Fournier rappelle toutefois l’importance de se référer à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST). De même, pour la machinerie ou l’équipement de sécurité, les agriculteurs devraient toujours vérifier si les suggestions de leurs pairs sont conformes aux directives des fabricants.