La Terre de chez nous

Le secret de la culture en terre de Caïn

- GENEVIÈVE QUESSY Collaborat­ion spéciale

Terre de Caïn, c’est le nom qu’avait donné Jacques Cartier à la Côte-Nord, quand il l’a abordée pour la première fois en 1534. Une référence au mythe de la Bible, où Caïn est condamné par Dieu à labourer une terre infertile.

Infertile, la Côte-Nord? Bien que le territoire soit traditionn­ellement exploité pour l’abondance de ses gibiers, poissons et petits fruits sauvages, des initiative­s agricoles commencent à s’y implanter. La coopérativ­e agricole Le Grenier boréal, située à Longue-Pointede-Mingan, est l’une d’elle.

Cultiver fruits et légumes au nord du 50e parallèle. Voilà tout un défi, et pas seulement pour le climat frais et la saison de culture plus courte. « Depuis 2013 que la ferme a été implantée. Il a fallu tout apprendre sur le tas et nous adapter en fonction de notre microclima­t. Tout est différent de ce qu’on apprend à l’école », témoigne Alex Beaudin, coordonnat­eur des opérations au Grenier boréal, qui a étudié l’agricultur­e au Collège d’Alma.

Le sol pose un défi particulie­r. Deux pieds de pur sable avec de la roche en dessous. Dans cette région de conifères, l’humus est pauvre, sinon absent. La création de buttes permanente­s, les engrais verts et l’enfouissem­ent, puis la rotation des cultures sont des pratiques employées par les travailleu­rs de la coop.

« On fait beaucoup d’efforts pour enrichir le sol et puisque les fourniture­s agricoles sont difficiles à trouver dans le coin, on doit se débrouille­r avec les moyens du bord », dit Alex Beaudin.

La mer, juste à côté, fournit de la matière organique utilisable au jardin. Le Grenier boréal perpétue ces traditions locales. « On enfouit le capelan [poisson] et le goémon [algue] dans le sol comme le faisaient nos aînés. Le capelan est un engrais très fort, donc on en met peu, une poignée de capelans à tous les pieds environ. Pour le goémon, on le récolte à l’automne et on le met en tas, qu’on laisse dessaler tout l’hiver par les intempérie­s. Au printemps, ça s’est presque liquéfié, alors on l’enfouit dans le sol pour toutes les cultures exigeantes, dont les patates, les poivrons, le maïs », raconte le coordonnat­eur.

Le défi de l’irrigation

Ce sol sableux, très jaune, et par endroits noir ou gris, ne retient pas l’eau. « L’irrigation est un défi. On a donc construit un étang, à partir duquel une pompe envoie l’eau dans un système goutte à goutte, qu’on gère manuelleme­nt. Ça demande une attention constante. »

La ferme du Grenier boréal est toutefois épargnée par les ravageurs, selon Alex Beaudin. « On en voit apparaître petit à petit, probableme­nt apportés par des semences, comme l’ail qui arrive du sud de la province, mais on est encore protégés. Ça nous évite l’utilisatio­n de beaucoup de produits chimiques », mentionne t-il.

En général, les variétés de légumes appréciant la fraîcheur ont du succès au Grenier boréal. « On y va par essaiserre­urs. On a dû essayer pas moins de 600-700 variétés de légumes, dont 300 variétés de tomates pour trouver celles qui marchent bien. » Ces légumes sont écoulés au kiosque libre-service et dans les marchés extérieurs des villages de la Minganie. Dès l’été prochain, une serre sera mise en fonction, trois saisons par année.

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Alex Beaudin devant les parcelles implantées dans une cuvette orientée plein sud et protégée par des haies brise-vent de façon à créer un microclima­t.
 ??  ?? Les cochons rustiques, dont l’enclos est régulièrem­ent déplacé, sont utilisés pour labourer et enrichir la terre.
Les cochons rustiques, dont l’enclos est régulièrem­ent déplacé, sont utilisés pour labourer et enrichir la terre.

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