La Terre de chez nous

Du gras pour les monarques et l’agricultur­e

- CLAUDE VALLÉE, AGR., M. SC. Professeur d’horticultu­re ornemental­e, environnem­entale et nourricièr­e (HOEN), Institut de technologi­e agroalimen­taire, campus Saint-Hyacinthe

Le monarque accompagne nos étés depuis notre enfance. Malheureus­ement, la population qui se rend au Québec a subi une baisse radicale en 20 ans. Au Canada, depuis 2016, ce papillon est protégé, conforméme­nt à la Loi sur les espèces en péril. Pour éviter que l’unique migration du monarque ne prenne fin, il faut passer à l’action afin d’accroître la résilience de cette population de papillons face aux menaces. Et si l’aider favorisait également l’agricultur­e?

Une migration spectacula­ire

Au Canada, à l’est des Rocheuses, les monarques partent à la fin de l’été à destinatio­n des hautes montagnes du Mexique pour hiverner, un trajet qui peut atteindre 5 000 km. Ceux du Québec effectuent le plus long trajet. Dans les forêts de sapins sacrés de l’État du Michoacán, au Mexique, des températur­es hivernales légèrement au-dessus du point de congélatio­n (de 1 à 6 °C) permettent aux monarques de ralentir leur métabolism­e et d’économiser leurs réserves de gras pour survivre à l’hiver, en attendant le retour de la croissance printanièr­e des asclépiade­s – car tout le cycle du papillon dépend de cette plante.

L’asclépiade, une plante protectric­e

Les asclépiade­s sont la nourriture exclusive de la chenille du papillon. Les femelles monarques pondent uniquement sur cette plante. La raison évolutive est simple. Cette nourriture permet à la chenille d’accumuler des toxines (des cardénolid­es) qui la protègent des prédateurs, tels les oiseaux et les mammifères. Sans les tuer, les malaises provoqués par la toxine sont suffisants pour éliminer le monarque de leur menu, autant la chenille que le papillon. Une fois que les monarques sont devenus adultes, ce sont les plantes nectarifèr­es qui les nourrissen­t.

Les plantes nectarifèr­es

Il est important de fournir aux papillons du nectar tout au long de la saison et, surtout, de ne pas négliger l’automne où les fleurs se raréfient. Les mois d’août et de septembre correspond­ent à la période d’accumulati­on des réserves de gras pour les monarques migrateurs.

Si aucune fleur ne fait partie de votre environnem­ent naturel à la fin de l’été, ce n’est pas que le monarque qui en souffre, c’est aussi toute une variété de pollinisat­eurs bénéfiques pour les rendements agricoles. Les efforts déployés pour sauver le monarque ces dernières années nous ont sensibilis­és au manque de fleurs à la portée des pollinisat­eurs à l’automne.

Heureuseme­nt, il existe des solutions. En milieu agricole, le fait de ne faucher qu’une seule fois par année (et tardivemen­t) certaines zones (pelouses, champs, fossés, abords de routes, etc.) favorise la présence de plantes nectarifèr­es. Les terrains en friche sont aussi très profitable­s aux pollinisat­eurs. De plus, l’ajout de plantes nectarifèr­es aux aménagemen­ts est particuliè­rement bénéfique pour l’accumulati­on des réserves de gras du monarque à l’automne. Ces plantes nourriront en outre de nombreux pollinisat­eurs avant l’hiver. À ce sujet, une fiche télécharge­able comportant une longue liste de plantes nectarifèr­es (indigènes ou horticoles) est à la dispositio­n des intéressés sur le site Web du Jardin Daniel A. Séguin : jardindas.ca/lhorticult­ure-a-la-rescousse-des-monarques.

Veiller au monarque est une belle occasion de donner un coup de pouce à un grand nombre de pollinisat­eurs à l’approche de l’hiver. La végétalisa­tion est une solution concrète pour contrer la perte de biodiversi­té et, sur ce point, tout un chacun peut y contribuer.

Si aucune fleur ne fait partie de votre environnem­ent à la fin de l’été, ce n’est pas que le monarque qui en souffre, c’est aussi toute une variété de pollinisat­eurs bénéfiques pour les rendements agricoles.

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Monarque profitant d’une source automnale de nectar.

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