Le flou de l’agrotourisme
Philippe Beauregard, un jeune agriculteur dynamique qui multiplie les initiatives pour rendre attrayant son site d’autocueillette de fruits et légumes situé à Rougemont en Montérégie, a vu ses ardeurs freinées, au printemps 2019, par la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ). À sa grande surprise, un constat de sept infractions concernant des activités et des installations agrotouristiques non conformes en zone agricole lui a été remis.
« Il aurait fallu que je fasse des demandes d’autorisation avant de mettre en place certaines activités, parce qu’elles ne sont pas considérées comme agricoles. Mais à peu près personne ne fait ça en agrotourisme », soutient l’agriculteur dont les revenus reposent surtout sur l’autocueillette et sur la vente au détail de produits maraîchers qu’il cultive. En parallèle, pour la mise en marché de son site agricole, il y aménage un labyrinthe de maïs, un chapiteau et une aire de jeu pour les enfants. Sa conjointe offre par ailleurs des cours de yoga à la ferme. Toutes ces activités, déployées sans l’autorisation en bonne et due forme de la CPTAQ, contreviennent toutefois à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles.
« Je ne comprends pas, parce que je suis connu à Rougemont et dans le milieu. J’ai même reçu une bourse d’honneur du ministère de l’Économie récemment, saluant l’innovation dont je fais preuve à mon entreprise. Mais ironiquement, je me fais taper sur les doigts par la CPTAQ », s’insurge le producteur, selon qui ce genre d’activité en zone agricole est généralement toléré. Il présume que la CPTAQ l’a pris pour cible, parce qu’une plainte a été déposée à son endroit.
8000 $ en frais d’avocat
Craignant de se voir interdire les activités agrotouristiques sur son site, le producteur a entrepris l’an dernier les démarches d’autorisation requises par la CPTAQ, avec l’aide d’un avocat. Le processus est toutefois long, complexe et coûteux. « Ça m’a coûté 8 000 $ jusqu’ici et ce n’est pas terminé », raconte-t-il.
Pas de risque à prendre
Selon un nouveau règlement en vigueur au Québec depuis 2019 qui vise à clarifier le cadre agrotouristique, les visites guidées à la ferme, les services de repas et l’aménagement d’un stationnement de véhicules récréatifs pour les clients sont maintenant permis sous certaines conditions, sans demande d’autorisation à la CPTAQ. Toute autre activité agrotouristique néanmoins n’est pas considérée comme agricole, a priori.
« C’est sûr qu’il y a quand même un flou. L’agrotourisme, c’est vaste, et les types d’activités possibles sont nombreux. La CPTAQ doit faire beaucoup de cas par cas », soutient Charles Bergeron, directeur du service d’aménagement à la Fédération de l’UPA de Lanaudière. Il suggère aux agriculteurs qui veulent faire de l’agrotourisme de ne pas courir de risque. « Faites vos demandes d’autorisation systématiquement. La CPTAQ va trancher. Si l’autorisation que vous voulez aller chercher n’est pas nécessaire, votre demande sera rejetée, c’est tout, et vous pourrez déployer vos activités la conscience tranquille », recommande-t-il.