La Terre de chez nous

La lutte aux changement­s climatique­s, le prochain chantier

- MARCEL GROLEAU Président général de l'Union des producteur­s agricoles

Bien que toutes nos énergies soient encore consacrées à combattre la pandémie de COVID-19 et que l’on commence à voir la lumière au bout du tunnel, d’autres enjeux demeurent et exigeront des efforts coordonnés mondialeme­nt, à l’image de la lutte pour venir à bout de ce nouveau virus. Je pense bien sûr aux enjeux climatique­s.

Quelques jours avant le congé des Fêtes, le premier ministre du Canada a annoncé son intention d’augmenter graduellem­ent la taxe sur le carbone, voire de la quadrupler, pour que le pays atteigne ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre (GES) et devienne carboneutr­e en 2050.

Le réchauffem­ent climatique causé par l’activité humaine n’est plus à démontrer. Les changement­s climatique­s anticipés auront des conséquenc­es importante­s sur notre environnem­ent et nos vies. On en voit déjà les effets un peu partout dans le monde. Les sécheresse­s et les feux sans précédent qui dévastent la Californie et l’Australie, les ouragans et les tempêtes causant des inondation­s inédites et d’autres événements météorolog­iques de moindre ampleur, mais de plus en plus nombreux, font régulièrem­ent les premières pages des médias. La solution passe donc par la décarbonis­ation de l’économie et de la consommati­on. Pour y arriver, les spécialist­es proposent de taxer le carbone.

L’agricultur­e est responsabl­e de 9 % des GES au Canada. Cependant, les solutions pour réduire notre dépendance au pétrole en agricultur­e sont rares. L’accès au gaz naturel et au réseau électrique triphasé demeure limité à quelques localités. Étant donné que nous avons peu d’options de substituti­on vers des énergies vertes, la taxation du carbone dans le secteur agricole aura pour principal effet d’augmenter nos coûts et celui des aliments.

Pour un citoyen qui vit à Montréal ou à Toronto, les solutions pour échapper à cette taxe existent et elle aura sans doute l’effet recherché. On subvention­ne actuelleme­nt à coup de milliards le développem­ent du transport en commun, l’achat de voitures électrique­s, les bornes de recharge ainsi que la conversion d’entreprise­s manufactur­ières aux énergies vertes.

Un autre problème de la stratégie de taxation du carbone pour le secteur agricole est qu’elle n’est pas appliquée partout de façon uniforme. Déjà, le Québec fait cavalier seul au Canada en participan­t à la bourse carbone, avec la Californie. Les producteur­s d’ici contribuen­t à hauteur de 40 M$ par année au Fond vert par le biais du coût des crédits carbone facturés sur chaque litre de pétrole vendu, alors que dans les autres provinces, l’agricultur­e est exemptée de la taxe carbone.

Il n’y a aucune mesure applicable aux produits importés des pays qui ne respectent pas les accords internatio­naux de réduction des GES. Il n’existe pas non plus de tarifs ni d’autres taxes pour qu’ils se soumettent aux conditions imposées aux agriculteu­rs québécois. Le commerce internatio­nal n’intègre pas ces mesures de réciprocit­é et d’équité. Si les coûts d’une taxe carbone, ou ceux des crédits reliés à la bourse carbone augmentent de 400 % dans les provinces canadienne­s, mais que les produits alimentair­es et agricoles des États-Unis et du Mexique en sont exemptés, ce sera catastroph­ique pour nous.

Je comprends que les citoyens veulent que le gouverneme­nt prenne des mesures. Moi-même, à titre de grand-parent, je me soucie de l’avenir de notre environnem­ent pour nos petits-enfants. Mais l’augmentati­on de la taxe carbone sans mesure adaptée au secteur agricole est irréaliste. Là où les solutions de rechange existent, je n’ai pas de problème à ce que l’on double le prix du pétrole. Il faut une approche qui tienne compte des particular­ités de chaque secteur, de la collaborat­ion avec les autres pays, et des gestes courageux, peutêtre moins populaires en période électorale, mais nécessaire­s comme cela a été le cas dans la lutte à la COVID-19.

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