Politique
La question nationale a beau ne pas être au centre de la conversation électorale pour la première fois en plusieurs décennies au Québec, la campagne en vue du scrutin du 1er octobre n’en est pas moins distincte.
En Colombie-Britannique, il y a 15 mois, et en Ontario, en juin, le dossier des changements climatiques a été un sujet incontournable du débat électoral. Le même cas de figure va se répéter au printemps en Alberta.
À Victoria, le gouvernement néodémocrate minoritaire du premier ministre John Horgan a été élu l’an dernier en partie grâce à sa promesse de mettre des bâtons dans les roues de l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain.
En Ontario, le Parti conservateur a passé sa campagne à pourfendre l’idée de mettre un prix sur les émissions de gaz à effet de serre. Depuis son arrivée au pouvoir, le premier ministre Doug Ford a entrepris de démanteler tous les programmes voués à accélérer la transition vers une économie plus verte.
En avance dans les intentions de vote en vue d’un scrutin printanier en Alberta, le chef conservateur Jason Kenney s’est engagé à abolir la taxe sur le carbone mise en place par le gouvernement néo-démocrate de la première ministre Rachel Notley.
Le gouvernement de Justin Trudeau est sur le point d’affronter la ColombieBritannique en cour au sujet des limites que cette dernière voudrait imposer au volume de pétrole qui transite par son territoire pour rejoindre la côte Ouest.
L’Ontario et la Saskatchewan demandent aux tribunaux d’invalider le projet fédéral d’instaurer une taxe sur le carbone dans les provinces qui refuseraient de se doter de programmes visant à atteindre le prix plancher sur les émissions fixé par Ottawa.
Dans le débat fédéral-provincial qui divise le reste du Canada, le Québec est davantage spectateur que protagoniste. C’est à peine si le sujet des politiques relatives aux changements climatiques a été abordé lors du lancement de la campagne électorale.
L’exemple ontarien n’a pas inspiré de changement de cap au sein des principaux partis en présence au Québec. Dans la foulée du retrait de l’Ontario de la Bourse du carbone, aucune des formations représentées à l’Assemblée nationale ne remet en cause la pertinence de continuer à y
adhérer. Et l’abandon par TransCanada du projet d’oléoduc Énergie Est a évacué la question des oléoducs de l’arène provinciale. Mais pour combien de temps ?
Le chef conservateur Andrew Scheer n’en a pas beaucoup parlé lorsqu’il est allé faire campagne pour son candidat lors de l’élection complémentaire dans Chicoutimi–Le Fjord le printemps dernier ou encore à l’occasion de son apparition sur le plateau de Tout le monde en parle, mais il a l’intention de faire de la résurrection d’Énergie Est un de ses chevaux de bataille lors du scrutin fédéral de l’an prochain.
Lors d’un discours-fleuve à l’occasion du congrès du Parti conservateur de la fin août, Andrew Scheer a promis de mettre tout le poids d’un éventuel gouvernement conservateur fédéral derrière le retour en force du projet d’oléoduc. Dans cet esprit, il s’engage à assouplir les règles environnementales que les libéraux ont resserrées depuis leur retour au pouvoir à Ottawa.
Stimulé par la victoire de Doug Ford en Ontario, le chef conservateur entend dans la foulée mener bataille contre la mesure phare du programme de lutte contre les changements climatiques du gouvernement Trudeau, à savoir l’instauration d’un prix plancher sur le carbone. Il l’éliminerait dès son arrivée au pouvoir.
Les stratèges conservateurs sont convaincus qu’ils ont en main une combinaison gagnante pour marquer des points l’automne prochain. Mais il leur faudra tout un plan d’action pour faire accepter un tel programme au Québec.
Non seulement l’idée de mettre un prix sur le carbone fait consensus depuis des années au sein de la classe politique québécoise, mais l’intention d’alléger la réglementation relative aux oléoducs ne peut qu’alimenter le vaste mouvement d’opposition à leur aménagement en sol québécois.
Même un premier ministre foncièrement ouvert à des projets comme Énergie Est, tel François Legault, serait peu susceptible de vouloir sacrifier ses intérêts politiques pour défendre une telle cause dans ce genre de circonstances.
La formule qui a fait recette en Ontario pour Doug Ford est plus susceptible de braquer les électeurs québécois contre les conservateurs que l’inverse. Et le résultat du scrutin du 1er octobre ne changera pas grandchose à l’affaire.
Dans le débat fédéral-provincial qui divise le reste du Canada, le Québec est davantage spectateur que protagoniste.