Trois questions à Émilie Monnet
Mettre en lumière l’héritage des cultures autochtones est au coeur de l’oeuvre d’Émilie Monnet, auteure, comédienne et metteuse en scène qui entreprend une résidence artistique au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui avec la pièce Okinum.
De quoi parle cette pièce, votre première ?
C’est une autofiction basée sur mon expérience. La pièce m’amène à remettre mon identité en question à la suite du cancer que j’ai vécu.
J’y parle aussi des femmes de ma famille, de ce qui est légué au fil des générations. Comme je suis autochtone, ces questions sont importantes pour moi.
D’où vient ce titre,
Okinum ?
C’est une réflexion poétique sur la notion de barrage intérieur — okinum veut dire « barrage » en langue anishinaabemowin. Je m’interroge sur le chemin qu’on doit faire pour enlever les bouts de bois de la vie, tout ce qui fait que la mémoire ne peut pas circuler de façon fluide. Le castor devient une métaphore pour parler de la colonisation qui a eu lieu ici et de la manière dont elle s’est manifestée dans ma famille en particulier. On a tous des barrages intérieurs. Pour moi, ç’a été le cancer ; dans la gorge, ce qui n’est pas anodin. C’est lié à toutes ces voix qu’on essaie de faire taire, aux langues qui ont été arrachées. Ce sont aussi toutes ces politiques d’assimilation que le gouvernement canadien a eues et continue d’avoir.
Pourquoi une pièce en trois langues ?
Ce sont les langues de mon identité. Ma mère était anglophone, mon père est francophone, et mon grand-père parlait l’anishinaabemowin, une langue que j’essaie de me réapproprier. Les trois s’entremêlent les unes aux autres, s’imbriquent de façon fluide, mais le texte est surtout en français. C’était important pour moi de présenter une expérience immersive où les gens sont baignés dans la sonorité, la musicalité de la langue de mon grand-père, de lui redonner sa place sur le territoire où elle est née.
Du 2 au 20 octobre à la salle Jean-Claude Germain.
(Marie Pâris)