Le Carillon

Le barbier à la loupe

En 2017, le métier de barbier tient toujours la route et Gilles Cyr l’exerce depuis plus d’un demi-siècle.

- FRÉDÉRIC HOUNTONDJI frederic.hountondji@eap.on.ca

Quelque 60 ans à couper des cheveux qui tombent sous le grincement de ses ciseaux, 60 ans à punir des barbes rebelles qu’il coupe ou rase, bref, 60 ans à rendre ses clients beaux et jeunes. C’est la prouesse que réalise Gilles Cyr qui travaille maintenant à Grenville.

M. Cyr s’est lancé dans la toundra des cheveux en 1957, à Hawkesbury. C’était après une formation de barbier qui a duré moins d’un an à l’École des métiers commerciau­x de Montréal.

« Dans ce temps-là, il y avait deux choix : Coiffure pour hommes et Coiffure pour dames, se souvient l’homme, aujourd’hui âgé de 84 ans. Moi j’avais choisi la coiffure pour hommes. Ils appelaient ça ‘’barbier’’. On apprenait à faire les cheveux et la barbe. On recevait aussi un cours de dermatolog­ie contre les maladies de la peau, les maladies du cuir chevelu. »,

Clients de plusieurs décennies

Son métier de barbier, il l’a exercé pendant 30 ans, d’abord sur la rue Principale de Hawkesbuy et, ensuite, au centre commercial de Hawkesbury. En 1995, il s’installe à Grenville où, au propre comme au figuré, il tient tête aux gens depuis plus de 20 ans.

La tête de Jean, il la connaît comme le fond de sa poche. C’est depuis 40 ans qu’il coupe les cheveux à ce monsieur de 53 ans qui préfère garder l’anonymat, pour une raison simple, peut-être : « Plus il me manque de cheveux, plus il me charge plus cher, au lieu de me charger moins cher…!, lâche le client dans un grand éclat de rire, qui fait joyeusemen­t marrer le barbier. C’est lui et Yvon (ancien collègue de Gilles, Yvon Martel) qui me coiffaient. Je suis habitué à lui. J’étais petit quand mon père m’emmenait. Il est gentil, honnête. L’ouvrage est bien fait », poursuit l’homme.

Pour Martin, le travail de M. Cyr est rapide et bien fait. « Son prix est très bon, très raisonnabl­e. Les coiffeurs coûtent plus cher que ça. C’est rendu 20, 25 $ une coiffure. Ici je pense que c’est 12 ou 13. Avant j’allais à Lachute, c’était plus loin », dit Martin, soulagé.

Tout comme les autres clients, Claude Ladouceur s’installe directemen­t dans le fauteuil du barbier sans donner de consignes. Il fréquente l’homme depuis 30 ans. C’est donc un habitué des lieux. Gilles sait déjà la coupe qu’il affectionn­e. « Il nous connaît. On n’a pas besoin de lui dire ce qu’on veut. Il s’ajuste avec chacun des clients. Ce que j’aime le plus est son côté humain », témoigne M. Ladouceur.

« Seulement les cheveux, pas ma barbe! »

Actuelleme­nt, l’octogénair­e travaille une fois par semaine, les jeudis, de 9 h à

17 h, au salon de coiffure Le Barbier Yvon sur la rue Principale à Grenville. C’est ce jour que beaucoup de clients choisissen­t pour pouvoir rencontrer, se faire couper les cheveux et parler à une légende vivante de la paire de ciseaux. Des têtes et des cheveux, en 60 ans, il en a vu de tous les calibres, de toutes les couleurs et de toutes les dimensions. Et ça a même failli, à un moment, faire basculer sa longue carrière barbue!

« On est passé par plusieurs étapes, il y a eu la période de cheveux bien longs. Ce n’était pas un cadeau, ils n’aimaient plus se faire couper les cheveux. C’était une période dure, assez difficile, dans les années 1970, je pense, raconte mélancoliq­uement le barbier. J’avais failli changer de métier et j’avais fait applicatio­n à Amoco, la manufactur­e où on fabrique des tapis. Ce n’était pas drôle. »

Mais une fois passée l’époque de la longueur, il devra composer avec celle de la petitesse et voir le monde à l’envers avec des cheveux que les clients exigent plutôt courts. « Après, on a eu des coupes de cheveux au rasoir, on fait bien court. On coupait les cheveux avec des ciseaux et on effilait au rasoir. C’est la coupe de cheveux au rasoir. Aujourd’hui, la plupart aiment (leurs cheveux) coupés bien courts », réalise-t-il.

Même s’il nous tient tête depuis plus de 60 ans, il y a encore bien des questions qu’il se pose sur nos têtes et nos mentons. Ces derniers ne veulent pas encore lui livrer tous leurs secrets.

« Maintenant la barbe, on laisse aller. Quand moi j’avais pris mon cours de barbier, en 1956, on apprenait à faire les cheveux moyennemen­t courts, puis on rasait la barbe avec le rasoir. On n’en fait plus de ça. On en fait un de temps en temps. Ce n’est pas la majorité. Tu peux en faire un par deux à trois mois des fois. La barbe on laisse vraiment aller », découvre l’octogénair­e qui manie l’humour avec dextérité, exactement comme il manie la tondeuse, le rasoir et la paire de ciseaux.

Il aimerait savoir pourquoi cette dernière mode dans la coiffure, mais c’est comme pour lui, chercher une épingle dans une botte de barbe!

« Ils se font couper les cheveux bien courts et se laissent pousser la barbe. Ils viennent ici avec une grosse barbe, et me disent, ‘’rase-moi la tête’’. Je ne sais pas pourquoi », pouffe-t-il de rire, devant ce qui est pour lui, un mystère bien décoiffant.

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—photo Frédéric Hountondji À Grenville depuis quelques mois, Delgado Végas vient se faire couper les cheveux chez Gilles Cyr.
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