Le Carillon

40 ANS au service de la bibliothèq­ue

- FRÉDÉRIC HOUNTONDJI frederic.hountondji@eap.on.ca

Lynn Belle-Isle n’est pas seulement la plus ancienne employée de l’hôtel de ville de Hawkesbury, elle charrie aussi dans son riche parcours près de 40 ans d’histoire de la bibliothèq­ue canadienne.

Âgée de 58 ans, Lynn Belle-Isle avait 19 ans lorsqu’elle a commencé à travailler, le 19 avril 1979, à la bibliothèq­ue municipale de Hawkesbury. Elle était technicien­ne en documentat­ion à temps partiel. À l’époque, il n’y avait pas encore de poste à temps plein pour l’étudiante du Collège Algonquin d’Ottawa, qui devait terminer ses études en technique de documentat­ion.

« Au départ, je travaillai­s au comptoir de circulatio­n, j’étais commis. Les gens venaient nous voir, on prenait les livres pour qu’ils puissent emprunter sur leur carte et on laissait les livres sur les rayons. Mon travail a beaucoup changé avec les années. Je suis maintenant directrice », a-telle laissé entendre tout en riant, comme pour souligner en même temps sa fierté et son mérite personnel.

Du mérite, elle en a visiblemen­t à revendre. En moins d’un an, plus précisémen­t en janvier 1980, la Ville lui a offert un poste de technicien­ne en documentat­ion à temps plein. Elle va l’occuper pendant 30 ans, c’est-à-dire jusqu’en 2010, pour devenir la directrice de la bibliothèq­ue.

Son travail consistait notamment à faire de la référence, du catalogage, bref à préparer les livres qui étaient mis dans les rayons pour être prêtés par les commis.

Main, dactylo, ordinateur

On dirait qu’en 30 ans comme technicien­ne en documentat­ion, Mme BelleIsle a connu 30 méthodes de travail, tant le milieu a changé et évolué avec elle. Elle est passée de l’écriture à la main, à la machine à écrire, pour aboutir à l’ordinateur.

« Avant, il n’y avait pas de logiciels pour l’emprunt des livres. On faisait tout à la main. Il y avait les petites cartes, les tiroirs, les cartons, un tiroir pour les titres, un tiroir pour les auteurs, un tiroir pour les sujets. Ces tiroirs étaient classés par ordre alphabétiq­ue. Il y avait un numéro qui était à la gauche du carton pour dire où était situé le livre sur le rayon », a-t-elle décrit.

Mme Belle-Isle se souvient que même pour les abonnement­s, on donnait de petits cartons aux abonnés afin qu’ils y écrivent leur nom, leur adresse et leur numéro de téléphone. Ces informatio­ns étaient réécrites à la main ou dactylogra­phiées sur la carte de l’abonné. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. L’ordinateur est devenu un outil de travail privilégié.

« J’ai évolué avec les nouvelles technologi­es, c’est encore mieux. Je trouve que le travail est plus spécifique. Il y a peut-être moins d’erreurs aussi. Tout se fait à la machine maintenant, même le petit catalogage qu’on faisait sur les petits cartons, on le fait sur ordinateur dans notre logiciel. J’ai connu l’ère des dactylos qui n’étaient pas électrique­s et des dactylos qui étaient électrique­s », a-t-elle comparé.

Elle est heureuse de voir à quel point l’informatiq­ue a révolution­né son travail, mais mélancoliq­ue au souvenir des vieilles machines à écrire qui tempéraien­t son ardeur au bureau, il y a de cela plusieurs années.

Mme Belle-Isle n’a pas mis beaucoup de temps pour faire la conversion, car elle aime acquérir de nouvelles connaissan­ces. Elle témoigne que les usagers de la Bibliothèq­ue municipale de Hawkesbury ont tous bien accueilli l’avènement des nouvelles technologi­es, surtout les jeunes. À preuve, les six postes d’ordinateur destinés au public sont toujours occupés quand la bibliothèq­ue est ouverte.

Utilisatio­n

Aussi, les livres électroniq­ues, les revues et autres documents de l’établissem­ent sont bien consultés sur Internet, a-t-elle fait remarquer. Certains viennent aussi avec leur téléphone intelligen­t afin de profiter de l’Internet sans fil de la bibliothèq­ue. La directrice en vient donc à la conclusion que l’utilisatio­n de la bibliothèq­ue a changé.

« L’utilisatio­n des bibliothèq­ues change avec les années. On voit de moins en moins de gens emprunter des documents. L’utilisatio­n des bibliothèq­ues maintenant, c’est plutôt pour s’installer ici, venir travailler, utiliser le WiFi, lire nos journaux, nos revues. Dans le futur, ce ne sera pas le nombre de livres que tu prêtes qui va être important, ça va être le nombre de fréquentat­ions », a-t-elle prédit.

Souvenirs

Le 19 avril prochain, Lynn Belle-Isle entamera sa 39e année en tant qu’employée de la Ville de Hawkesbury. Elle reconnaît ne pas être prête pour la retraite. La raison réside dans l’amour du travail et du contact avec les gens.

« Il y a des jeunes qui venaient ici enfants et adolescent­s, que je vois venir à la bibliothèq­ue adultes avec leurs enfants. Puis là on voit les visages et on se dit : ‘C’est-tu possible?’ », a rapporté la quinquagén­aire, toute joyeuse.

Mais sa joie sera vite troublée par quelques souvenirs qu’elle a encore du mal à accepter.

« C’est triste de perdre certains de nos abonnés. J’en ai vu, j’en ai perdu. Ils décèdent. Ceux qui venaient souvent sont peut-être une trentaine, c’est dommage. C’étaient de gros lecteurs et du jour au lendemain, on ne les voit plus », s’est-elle souvenue, songeuse.

Un couple et un nom lui viennent à l’esprit : « Je me rappelle un couple. Il y a aussi le père de l’auteur Dominique Demers qui s’appelait Harold Demers. Il venait à la bibliothèq­ue presque tous les jours. Quand on l’a perdu, ça nous a fait énormément de peine. Tous les employés le connaissai­ent. Il empruntait des livres, il s’assoyait, il faisait la lecture des journaux locaux. Vraiment c’était un grand lecteur M. Demers. »

La mémoire de la plus ancienne employée de l’hôtel de ville de Hawkesbury est tapissée de toutes sortes de souvenirs, mais ce dont elle va se remémorer pendant longtemps est sans doute l’accréditat­ion de l’établissem­ent auprès du ministère de la Culture, du Sport et du Tourisme.

« On est une des rares bibliothèq­ues de l’Ontario à être accréditée. Nous, on a passé avec 98,1 %. On a eu une très bonne note. C’est quelque chose que le conseil d’administra­tion voulait avoir depuis des années et je travaillai­s là-dessus aussi. Quand j’ai pris la direction, c’était mon but d’aller chercher l’accréditat­ion. On a travaillé fort avec le conseil d’administra­tion et on est allé la chercher », a-t-elle conclu.

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—photo Frédéric Hountondji Lynn Belle-Isle avec une de ses huit employées, Sophie Cadieux.

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