Le Carillon

L’INCERTITUD­E PLANE ENCORE

SUR LES PRODUCTEUR­S LAITIERS

- EVELYNE BERGERON evelyne.bergeron@eap.on.ca CAROLINE PRÉVOST caroline.prevost@eap.on.ca

Les producteur­s de lait sont nombreux des deux côtés de la rivière des Outaouais et tous sont insatisfai­ts et inquiets du nouvel Accord États-Unis–MexiqueCan­ada (AEUMC).

« On voit que les paroles politiques n’ont pas suivi les actions », a déploré Simon Durand, directeur exécutif de l’Union des cultivateu­rs franco-ontariens (UCFO). Même son de cloche du côté du Québec. « C’est encore nous autres qui payons », a déclaré Steve Le duc, porteparol­e des Producteur­s de lait Ou ta ouaisLaure­nt ides, district Papineau.

Tous deux considèren­t que les producteur­s laitiers du pays, dont la plus forte proportion est au Québec et en Ontario, ont subi des pertes dans les trois grands accords internatio­naux conclus récemment, soit l’Accord économique et commercial global (AEGC) entre le Canada et l’Union européenne, l’Accord de Partenaria­t transpacif­ique global et progressis­te (PTPGP) qui ouvre particuliè­rement des marchés vers l’Asie, et tout dernièreme­nt l’AEUMC. Ces accords permettent une plus grande exportatio­n des partenaire­s vers le Canada. « Si on additionne tout ça, ça fait tout près de 10 % que l’on perd. Pour une entreprise moyenne (65-70 vaches), c’est plus de 50 000 $ par année », a fait valoir M. Leduc, qui est aussi producteur laitier. Et, selon lui, il sera difficile de lutter contre l’offre américaine. « C’est David contre Goliath », a-t-il exposé en expliquant que 80 % du lait américain est produit par des entreprise­s géantes de plusieurs centaines de vaches, voire des milliers. Aussi, près du tiers de leurs recettes agricoles proviennen­t de subvention­s de l’État, ce à quoi les producteur­s canadiens n’ont pas accès. La production laitière aux États-Unis est également moins réglementé­e, notamment en termes de normes environnem­entales et sociales.

IMPACT SUR LE DÉVELOPPEM­ENT RURAL

Le climat d’incertitud­e aura certaineme­nt

un effet sur l’économie des régions rurales. « S’il y a un climat de pessimisme, ou moins de possibilit­é de croissance, les investisse­urs vont moins investir. C’est donc toute l’industrie rurale qui va en subir les conséquenc­es », a indiqué M. Durand. Dans de nombreux villages ontariens et québécois, les fermes laitières occupent une part importante de l’économie locale. « Nous, comme agriculteu­rs, on fait toujours affaire avec des gens qui sont proches de nous physiqueme­nt. Quand on a besoin du vétérinair­e, c’est celui du coin. Quand on a besoin d’aller à la quincaille­rie, on va à celle du village », a-t-il témoigné. En ce sens, Steve Leduc estime que si, pour survivre, les fermes laitières doivent devenir des mégas entreprise­s de plusieurs centaines de vaches, ce sont les communauté­s qui pourraient en payer le prix. « Je ne suis pas certain qu’on y gagnerait du point de vue des retombées économique­s en région », a-t-il soutenu.

COMPENSATI­ONS GOUVERNEME­NTALES

À la suite de la signature de l’AEUMC, le premier ministre Justin Trudeau a voulu rassurer les producteur­s de lait en assurant qu’ils seraient indemnisés pour les pertes financière­s prévues. M. Leduc doute que tous les producteur­s puissent être dédommagés puisque ceux-ci ne peuvent pas recevoir de subvention­s en raison de la gestion de l’offre.

Il a rappelé qu’à la suite de traités précédents, l’aide aux producteur­s s’est présentée sous forme de soutien à l’investisse­ment. « Une minorité de producteur­s ont eu l’occasion d’aller chercher ces programmes-là », a-t-il souligné. Chacun devra donc trouver des solutions chacun de son côté. La solution qui semble la plus évidente pour lui sera de prolonger les paiements.

Le député de Glengarry-Prescott-Russell, Francis Drouin, a assuré qu’il poursuivra les discussion­s avec les producteur­s de sa circonscri­ption afin que leur voix soit entendue à Ottawa. « Oui, je vais avoir la conversati­on sur la compensati­on, mais j’aurai aussi la conversati­on sur où est-ce que l’industrie va être dans 15-20 ans. Moi, je crois absolument dans l’industrie laitière, et je crois qu’il y a un bel avenir pour cette industrie. »

Le député Drouin a affirmé avoir milité pour le maintien total de la gestion de l’offre. Malheureus­ement, « on a perdu quelques games, mais on a sauvé la saison », a-t-il déclaré en rappelant que les Américains souhaitera­ient l’annulation complète de la gestion de l’offre. Quant à Pierre Lemieux, ancien député fédéral et candidat conservate­ur de Glengarry-Prescott-Russell pour les élections fédérales de 2019, il s’est montré très critique envers le gouverneme­nt dans un communiqué. Il se demande comment Justin Trudeau et les Libéraux ont pu « concéder autant, pour si peu en retour ».

« SI ON ADDITIONNE TOUT ÇA, ÇA FAIT TOUT PRÈS DE 10 % QUE L’ON PERD. POUR UNE ENTREPRISE MOYENNE, C’EST PLUS DE 50 000 $ PAR ANNÉE »

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada