Le Carillon

LA SANTÉ MENTALE À L’ÈRE DE LA TÉLÉMÉDECI­NE

- CRISTIANA MANDRU cristiana.mandru@eap.on.ca

Selon une étude récente publiée par

The Globe and Mail, les communauté­s rurales canadienne­s (surtout celles plus éloignées) accusent des besoins criants en santé mentale, en raison de plusieurs facteurs. Ce n’est pas le cas de Hawkesbury, qui dispose de son propre Centre régional de santé mentale et toxicomani­e (CRSMT) et qui a embarqué dans la vague de nouvelles technologi­es pour desservir la clientèle grandissan­te de Prescott-Russell.

Geneviève Arturi, directrice du programme communauta­ire de santé mentale et toxicomani­e à l’Hôpital général de Hawkesbury (HGH), travaille à l’hôpital depuis plus de 18 ans, tout en occupant son poste actuel depuis cinq ans.

Avec le déménageme­nt dans un nouvel édifice en 2016, cinq services communauta­ires ont été intégrés sous le même toit. Si auparavant la toxicomani­e et la santé mentale étaient deux domaines parallèles, maintenant, depuis l’intégratio­n de tous les services reliés à la santé mentale, la gamme de services offerts à la clientèle est plus vaste, ce qui est excellent pour les patients, selon Mme Arturi.

«Depuis que je suis ici et qu’on a déménagé dans la nouvelle clinique, la demande ne fait qu’augmenter. Je pense que c’est dû au fait que l’endroit a plus de visibilité. On a vu une bonne différence l’année qu’on a déménagé, mais depuis qu’on a centralisé tous les services, la quantité qui rentre tous les mois ne fait qu’augmenter», a-t-elle noté.

Elle explique cette augmentati­on de la demande par un changement au sein de la société, qui considère moins tabou de consulter en psychologi­e ou en psychiatri­e. C’est une croissance graduelle depuis toujours qui ne fait qu’augmenter chaque année. Présenteme­nt, les spécialist­es du Centre voient en moyenne 25 000 patients par année. L’hôpital bénéficie des services de cinq psychiatre­s présenteme­nt, chacun à temps partiel et avec des rôles différents. En tant qu’hôpital qui dessert une zone considérée rurale, l’HGH a des ententes avec des hôpitaux régionaux, tels l’Hôpital Montfort et Le Royal d’Ottawa. Au niveau de la demande, elle vient de toute la communauté de Prescott-Russell. «Depuis que je suis ici, la demande a toujours été en croissance. C’est sûr que les ressources ont aussi augmenté, mais est-ce qu’on satisfait pleinement la demande pour tous les services? Pas vraiment dans tous les services, parce qu’on a certaines listes d’attente», a constaté Mme Arturi.

Par exemple, il y a certains services surspécial­isés qui sont envoyés ailleurs, à cause du manque de spécialist­es dans la région. Tel est le cas pour la gestion de cas, qui est la clientèle souffrant de troubles sévères et persistant­s, dont les soins sont plus intensifs. À ce moment-là, ils sont aussi envoyés ailleurs. Les patients souffrant de troubles alimentair­es sont aussi envoyés à la clinique des troubles alimentair­es à Ottawa. Pour les services de gérontolog­ie, ce sont des gérontopsy­chiatres du Centre de soins en santé mentale Le Royal qui viennent en personne ici pour visiter les gens dans leur milieu.

«Toutes nos demandes arrivent à l’accès centralisé, où il y a un premier dépistage avec notre intervenan­te, en fonction des priorités», a-t-elle expliqué. Il y a certaines demandes qui sont traitées en priorité, tout comme à l’urgence: pour les interventi­ons de crise, il n’y a pas de temps d’attente, de même que pour les cas de sevrage.

«L’un de nos plus grands temps d’attente est en psychothér­apie, pour les agressions

sexuelles reliées à l’enfance, a-t-elle repris. Dans le cadre du programme de psychothér­apie du Centre, au niveau des traumas et des agressions sexuelles qui datent de l’enfance, les demandes sont grandes et les ressources beaucoup plus petites», d’après Mme Arturi.

LES DIFFÉRENTE­S APPROCHES

Pour l’approche purement médicale, les délais d’attente sont plus raisonnabl­es, selon la directrice.

«Au niveau de la psychiatri­e, je dirais que les temps d’attente sont beaucoup plus acceptable­s qu’il y a quelques années. Ça peut prendre entre quatre à huit semaines pour voir un spécialist­e. C’est quand même bien, parce qu’entretemps, on offre des rencontres avec une infirmière spécialisé­e en psychothér­apie et une rencontre avec un groupe. Donc, on peut offrir d’autres services en attendant», a-t-elle précisé.

Le psychiatre est le premier point de contact en santé mentale. C’est lui (ou elle) qui donne le diagnostic et fait la prescripti­on de médicament­s et qui recommande au médecin de famille ce qu’il faut faire avec ses patients par la suite; tandis que la psychothér­apie n’est pas l’approche médicale et pharmacolo­gique, mais celle offerte par les travailleu­rs sociaux et les psychologu­es.

«En revanche, ça prend vraiment des clients engagés à faire des changement­s dans leurs stratégies d’adaptation et leurs mécanismes de défense. La psychothér­apie c’est une analyse de la personne au niveau de sa personnali­té: pourquoi elle a réagi d’une certaine façon et pas autrement», a-t-elle expliqué. Enfin, une partie tout aussi importante c’est la psychoéduc­ation, qui représente le rôle des infirmière­s afin que le patient comprenne son diagnostic, en commençant par l’importance de bien se nourrir, bien dormir, des stratégies pour mieux dormir, etc., ce qui est vraiment de l’éducation et pas de la thérapie, selon Mme Arturi.

LA NOUVELLE ÈRE DE L’APPROCHE MÉDICALE

« On a des ententes avec les hôpitaux régionaux au niveau de la télépsychi­atrie. On offre plusieurs cliniques où le client se présente ici, tandis que le psychiatre est à Montfort ou au Royal, et c’est par Ontario télémédeci­ne, un service de type Skype, qu’ils se rencontren­t», a expliqué la directrice. Le médecin est là pour la session d’évaluation. Il/elle écrit son rapport et l’envoie au médecin de famille qui va alors prendre la relève au niveau de la prescripti­on, des suivis, etc. Ça fait déjà plusieurs années que la télépsychi­atrie fait partie du quotidien de la population de Prescott-Russell. Apparemmen­t, ce n’est pas seulement au chapitre de la santé mentale et au niveau des psychiatre­s que la télémédeci­ne est très populaire ici, mais aussi dans d’autres domaines, selon Mme Arturi.

C’est aussi le cas pour la télépsycho­thérapie, où c’est l’envers, les thérapeute­s sont à l’hôpital et les patients sont chez eux. Donc, ces derniers rencontren­t le psychiatre ou le psychothér­apeute toute la semaine, mais par ordinateur. Cette approche se fait depuis au moins un an.

«Ça facilite beaucoup la tâche des gens qui ne peuvent pas se déplacer à cause de problèmes de transport. Ça prend cependant une connexion à Internet à domicile. On peut offrir au moins une à deux cliniques par semaine, deux à trois clients chaque fois, c’est donc au-delà de ce que les gens font en personne ici», a-t-elle expliqué.

Les dernières tendances en santé mentale De nos jours, les troubles d’anxiété et les troubles de personnali­té font partie des cas les plus fréquents que les médecins et les thérapeute­s rencontren­t en santé mentale. Les services plus achalandés maintenant qu’il y a cinq ans se situent au niveau de la jeunesse 16-24 ans, l’âge de transition pour les jeunes, la toxicomani­e, la santé mentale adulte sans oublier la gérontopsy­chologie. La population est vieillissa­nte et la demande est constante, d’après la directrice.

Les dernières tendances en psychologi­e et en psychiatri­e consistent dans la détection plus précoce qu’avant, ce qui fait qu’on détecte la maladie à un plus jeune âge, au lieu que la personne arrive dans la trentaine avec des troubles beaucoup plus complexes.

Il y a aussi un changement au chapitre des médecins. Avant, le médecin de famille référait une personne à un psychiatre qui continuait à la suivre au cours de sa vie, même quand elle était stable. «Tu avais un médecin de famille qui te suivait pour ta santé physique et un psychiatre qui te suivait pour la santé mentale, mais qui ne se parlaient point. Puis on a trouvé que ça ne faisait pas de sens parce que lorsque tu as un problème cardiaque, tu ne vas pas voir ton cardiologu­e pour la vie. Ça c’est la nouvelle philosophi­e: ça n’existe plus d’être assigné à un psychiatre à vie; en tout cas, pas dans les services publics», a expliqué Mme Arturi. Aujourd’hui, le psychiatre c’est un spécialist­e qui stabilise la personne, qui offre des recommanda­tions et appuie le médecin de famille. Mais dès qu’on a atteint une certaine stabilité, le patient retourne voir son médecin de famille et l’équipe de santé primaire, qui se mobilise pour maintenir sa stabilité.

 ?? Cristiana Mandru ?? Geneviève Arturi, directrice du programme communauta­ire de santé mentale et toxicomani­e du Centre régional de santé mentale et toxicomani­e (CRSMT), à l’Hôpital général de Hawkesbury (HGH). Le Centre, qui est maintenant à sa quatrième année d’opération, voit environ 25 000 patients par année, un nombre grandissan­t, qui ne fait qu’augmenter chaque année, selon la directrice.—photo
Cristiana Mandru Geneviève Arturi, directrice du programme communauta­ire de santé mentale et toxicomani­e du Centre régional de santé mentale et toxicomani­e (CRSMT), à l’Hôpital général de Hawkesbury (HGH). Le Centre, qui est maintenant à sa quatrième année d’opération, voit environ 25 000 patients par année, un nombre grandissan­t, qui ne fait qu’augmenter chaque année, selon la directrice.—photo
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«On a des ententes avec les hôpitaux régionaux au niveau de la télépsychi­atrie. On offre plusieurs cliniques où le client se présente ici, tandis que le psychiatre est à Montfort ou au Royal, et c’est par Ontario télémédeci­ne, un service de type Skype, qu’ils se rencontren­t» - Geneviève Arturi

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