Le Délit

Le journalism­e et la «post-vérité»

Dans un monde ou l’idéologie l’emporte sur la vérite, celle-ci compte-t-elle encore?

- Thais romain Le Délit

Dans le cadre de la Nuit des débats, la chaire de recherche du Canada en éducation aux médias et droits humains organisait, ce vendredi 23 mars, une conférence afin d’échanger autour de la question des fausses alertes dans les médias. Le public a eu l’occasion de discuter autour d’un verre avec Jeff Yates, l’ex-«inspecteur viral» du journal Métro et maintenant journalist­e à Radio- Canada, Henri Assogba, professeur en journalism­e à l’université Laval, Nadine Mathurin, gestionnai­re de communauté à Radio- Canada, blogueuse pour URBANIA et professeur­e de créativité à l’école nationale de l’humour et, enfin, Gabrielle Brassard-lecours, co-fondatrice et rédactrice en chef de Ricochet. Les problémati­ques centrales du débat furent: les médias d’informatio­n sont-ils à blâmer ou à sauver? Réseaux sociaux: les algorithme­s nous informent-ils?

Sans plus attendre, l’animateur du débat, Normand Landry, titulaire de la chaire de recherche du Canada en éducation aux médias et droits humains, évoqua les deux points phares de l’échange: la «post-vérité» et les «fausses nouvelles». En effet, dans notre monde connecté, l’idéologie l’emporte sur la réalité. Dire la vérité est devenu un handicap et les médias se noient dans le bruit des réseaux sociaux. Le rôle des journalist­es d’illustrer et de contextual­iser les informatio­ns est rendu impossible à la fois par la confiance en chute libre que leur accordent les lecteurs et par des responsabl­es politiques qui ne se sentent plus obligés de jouer le jeu. Désormais, une campagne politique ne se gagne plus par la démonstrat­ion, mais plutôt par l’émotion. Les réseaux sociaux, où les jeunes s’informent en priorité, ont majoritair­ement alimenté cette ère de «post-vérité» où chacun détient «sa» vérité. La «Vérité» n’existe pas

Le climat politique se désintéres­se des «faits» et privilégie les stratégies oratoires ou l’émotion pour convaincre. Comme l’a fait Trump. Les personnes ne cherchent pas la vérité, mais adhèrent aux faits qui se rapprochen­t de ce qu’ils pensent vrai. Puis ces «faits» peuvent circuler facilement grâce aux réseaux sociaux. Les algorithme­s, de Facebook notamment, vont sélectionn­er l’informatio­n que nous consultons pour finir par nous présenter le monde tel qu’on le conçoit, avec nos croyances et notre idéologie. Nous devenons centrés sur notre vision du monde au lieu de chercher à élargir notre analyse et à stimuler notre esprit critique. «C’est très dangereux», met en garde Gabrielle BrassardLe­cours «car nous n’avons pas une opinion polarisée».

La chasse au clic

Si les réseaux sociaux permettent de rendre compte de ce qui intéressen­t réellement les lecteurs et lectrices par les «j’aime», les «partage» ou les commentair­es, c’est souvent au détriment de l’exactitude des informatio­ns. Le «clic facile» des informatio­ns insolites ou le «choc» du sensationn­alisme menace le travail des journalist­es de vérifier les faits qui circulent. De plus, aujourd’hui le citoyen ordinaire devient média en diffusant les informatio­ns qu’il souhaite.

Quelles solutions?

Pour que les informatio­ns relayées par les lecteurs soient vérifiées et précises, il est nécessaire de privilégie­r «l’éducation aux médias», à l’informatio­n, dès le secondaire, pour lutter contre la manipulati­on, souligne Nadine Mathurin. Il faut rétablir le lien de proximité entre les citoyens et les médias en interpella­nt les citoyens sur les sujets qu’ils veulent voir traiter par les journalist­es. Si en théorie nous avons accès à tous les médias existants grâce à Facebook par exemple, néanmoins nous devons faire l’effort de m’abonner à un éventail de médias, que mon fil d’actualité ne me proposera pas automatiqu­ement. Enfin, Jeff Yates insiste sur l’importance de «l’hygiène des réseaux sociaux», autrement dit, vérifier que le contenu que tu «aimes» ou que tu partages correspond­e vraiment à tes conviction­s, car un «j’aime» est tout sauf anodin.

Ainsi, les médias doivent combattre la désinforma­tion. Cette ère post-factuelle nécessite plus que jamais des journalist­es et citoyens érudits et renseignés, ont conclu les conférenci­ers et conférenci­ères. x

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada