Le Délit

Sur le chemin de la réconcilia­tion?

Retour sur la visite du Président Rwandais au Vatican.

- Marie Boudard

Le pape François a reçu le président Rwandais Paul Kagamé, pour sa première visite officielle ce lundi 20 mars, dans le but d’ouvrir à nouveau les discussion­s sur l’implicatio­n du Vatican lors du génocide de 1994. En novembre dernier, une première tentative de réconcilia­tion avait eu lieu, en vain. En effet, neufs évêques rwandais avaient condamné la participat­ion de certains individus catholique­s sans pour autant remettre en cause l’intégrité de l’église en tant qu’institutio­n, au grand regret de Monsieur Kagamé qui s’empressa de refuser ces excuses.

La tension ethnique atteint son paroxysme

Ce massacre qui a eu lieu en 1994 n’est autre que l’apogée d’un long conflit opposant les deux ethnies dominantes de ce pays, les Tutsis et les Hutus. L’élément déclencheu­r du désastre a été la mort du président Juvénal Habyariman­a, d’appartenan­ce Hutu, lors d’un crash aérien. Certains extrémiste­s Hutu se sont empressés de mettre en cause la minorité Tutsi, appelant alors à l’assassinat de ces derniers plongeant le pays dans la pire guerre civile de son histoire. Femmes, hommes, enfants, rebelles ont été assassinés, violés et asservis: ce génocide a couté la vie à plus de 800 000 Rwandais, en majorité des Tutsis.

Pendant plus de trois mois, des églises se sont transformé­es en scènes de massacres. Plusieurs femmes et hommes religieux ont été accusés d’avoir ouvert leurs portes à des militaires Hutu alors que des milliers de Tutsi avaient pris refuge à l’intérieur. Ces derniers ont ainsi été pris dans de nombreux guetapens sans possibilit­é de s’enfuir. En 2001, quatre prêtres catholique­s ont été mis en examen pour des faits de génocides par le Tribunal pénal internatio­nal pour le Rwanda (TPIR, institutio­n judiciaire créée par L’ONU pour les questions por- tant sur ce conflit, ndlr). En 2006, celui-ci a d’ailleurs écroué un ancien prêtre catholique pour avoir donné l’ordre de détruire une église, tuant ainsi près de 2000 Tutsis qui se trouvaient à l’intérieur.

De plus, l’église est également accusée d’avoir nourri pendant de nombreuses années précédant le génocide, le conflit entre Tutsis et Hutus. En effet, Christian Terra, journalist­e spécialist­e de la question, indique qu’après avoir parrainé les Tutsi, l’église a connu un revirement d’alliance au profit de la majorité Hutu et a par conséquent participé à ce qu’il qualifie de «culture raciale» menant au génocide, ce que l’église à formelleme­nt nié depuis.

Une rencontre historique

Ainsi, c’est ce lundi 20 mars, à la veille du 23è anniversai­re commémorat­if du génocide que le pape François a exprimé «sa profonde tristesse, et celle du Saint Siège et de L’église, pour le génocide perpétré contre les Tutsis», il a de même «imploré le pardon de Dieu pour les péchés et les manquement­s de l’église et de ses membres.» Un discours qui contraste particuliè­rement avec les paroles de l’évêque Philippe Rukamba alors président de la Commission épiscopale rwandaise qui avait complèteme­nt nié l’implicatio­n du Vatican dans le génocide, en novembre dernier. Ces excuses avaient notamment profondéme­nt déçu le gouverneme­nt rwandais qui les jugeait «inadéquate­s.»

L’implicatio­n de cette rencontre

C’est «un nouveau chapitre» qui s’ouvre entre l’église et le Rwanda si l’on en croit les paroles de Paul Kagamé. Dans un pays où la majorité de ses habitants est de confession catholique, il semblait donc primordial pour le pape François de re-crédibilis­er l’image de l’église afin qu’elle devienne à nouveau un acteur majeur dans la politique rwandaise et dans le maintien de la paix dans cette région du monde. Ainsi, les sincères excuses et la prise de responsabi­lité de l’église, qui constituen­t une première pour le Vatican dans ce conflit, ne peuvent nous faire qu’espérer le commenceme­nt de la fin des tensions qui subsistent toujours dans ce pays, à l’aube d’une nouvelle commémorat­ion. x

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